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Le Petit Orme

Ce site est dédié à l’histoire d’une propriété, sise à Olmet, à côté de Vic sur Cère, Cantal, France . (15800).

C’est aussi l ‘histoire d’une famille – celle d’Émile DUCLAUX et de ses descendants : successeur de Pasteur à la direction de l’institut du même nom, Émile Duclaux l’acheta en 1892, y fit de longs séjours avec sa deuxième épouse, Mary Robinson, et en partit, quelques mois avant sa mort, pour finir ses jours à Paris.

Histoire de la propriété depuis 1892

Préhistoire

            Quand Émile Duclaux se retrouva veuf en 1880, en charge de trois petits garçons, dont un bébé qui survécut environ un an à sa mère, il refusa la proposition de sa belle-mère, Laure Briot, de se charger de l’éducation des enfants et voulut s’en occuper lui-même. Ce qui, avec ses travaux de recherche, la direction de l’institut Pasteur et quelques autres menues tâches, ne lui laissait pas beaucoup de loisirs.

            Laure Briot, « grand-mère Briot » pour ses petits-enfants, ne lui en voulut pas de son refus et l’aida de toutes ses forces, en supervisant notamment les efforts de la bonne Catherine, présente jusqu’à sa mort auprès des deux garçons. J’entends encore mon grand-père, Jacques Duclaux, en parler avec une émotion et une affection qui dépassait de beaucoup son statut ancillaire. Catherine était née dans le Cantal, et assurait ce qu’Émile jugeait prioritaire : une éducation saine, loin de la pollution des villes, ce qui, pour Émile, avait surtout une signification morale.

 « Ma grand-mère a gardé Mélanie pendant vingt-cinq ans et Catherine a pris sa retraite après quarante ans sans avoir changé de situation. Les deux étaient considérées comme faisant partie de la famille et, du point de vue affectif, traitées comme telles, prenant part aux joies et aux peines. » (Souvenirs de Jacques Duclaux)

            Le projet nécessitait une maison de campagne, pas trop loin d’Aurillac, ce qui facilitait l’accès depuis Paris et permettait à la famille aurillacoise, essentiellement les Pichot -Duclos, d’intervenir si nécessaire.

            Émile commença par louer le château du Fau, entre Aurillac et Marmanhac. Les deux garçons, scolarisés à Paris, y passèrent tous leurs congés, partagés entre les longues courses à bicyclette, les randonnées pédestres et les rencontres avec les voisins de leur âge, dont les plus proches étaient les Sevestre. Ces derniers avaient une maison à Pradines, tout près du Fau, et une fille, Madeleine. Pierre, l’ainé, s’intéressa à elle et la rencontre finit, comme dans un roman bourgeois, par un mariage en 1908. Mais c’est une autre histoire !

Nelly Rhodes
Nelly Rhodes, née Pichot Duclos : cousine d'Emile . Elle se chargea , avec un grand dévouement, de l'achat et des constructions de la nouvelle maison.

L’achat

            Les dossiers d’Émile, très soigneusement conservés, montrent un souci de clarté que de mauvaises langues pourraient qualifier d’auvergnat ; notons au passage que ces dossiers comprennent aussi la comptabilité de son voyage de noces en Italie, soigneusement tenue par Mathilde, dans lesquels on a le plaisir de découvrir la mention suivante : le….1880 donné à un pauvre :  2 sous . L’honnêteté commence par la rigueur. Former la jeune épouse à son rôle de gestionnaire de la famille ne saurait attendre, fut-ce sur les bords du lac de Garde.

La propriété d’Olmet fut achetée aux héritiers de l’évêque de Saint Flour, M. et Mme Pagès, qui résidaient dans la vallée ; dans mon enfance, la famille, toujours anticléricale, disait « les enfants » de l’évêque. Les dispositions du contrat de vente donnèrent lieu à discussions infinies, notamment autour des problèmes de l’eau. La correspondance montre Monsieur Pagès un peu hérissé devant les demandes de son acheteur, les nécessités d’un laboratoire, indispensable à Émile, n’ayant rien à voir avec l’utilisation agricole à quoi propriétaires comme fermiers étaient habitués ; monsieur Pagès fait néanmoins tous ses efforts pour contenter son acheteur, jouant les intermédiaires avec une bonne volonté touchante : Émile est un fils du pays, il ne l’oublie pas, même s’il a un peu changé au contact des « parisiens ». Et madame Pagès, qui sert de secrétaire à son mari, passe son temps à mettre de l’huile dans les rouages. On retrouve ces mêmes incompréhensions dans les rapports avec l’architecte.

façade nord : plantations

L’aménagement  

Les travaux menés à Olmet après l’achat sont conduits par un architecte et débutent naturellement en 1892 par un plan de la maison portant, en rouge, les modifications proposées. Le 20 septembre on règle les frais d’adjudication (1802 francs). Et on passera aux choses sérieuses au printemps suivant.

1892 : Plan de la maison à l’origine ; premières modifications en rouge

            Reçu des frais d’adjudication de la propriété (20 septembre 1892)        1 802.00  

1893 :

L’architecte effectue le suivi avec attention : quatre lettres mentionnent autant de visites, dont une « avec Madame Rhodes », chaque lettre est accompagnée d’un descriptif de l’« état des travaux ». Des plans sont joints : château d’eau et canalisations, terrasse, écurie (!! vaches ? chevaux ?) ; accès à la chambre de la tour (escalier indépendant ?). Les factures sont certifiées. L’architecte se charge aussi des espaces verts : un jardinier a fourni 88 demi-journées de prestations, pour la somme de 254 francs ce qui met la journée de travail à ~ 5 francs.  Émile peut arriver, la maison commence à être utilisable ;

1894 :

      Quatre lettres décrivent les aménagements intérieurs : peintures, papier peint, etc. Le gros œuvre est manifestement la construction de la fontaine à la place de la cuve en pierre (abreuvoir à bestiaux) qui figure sur les premières photos. Une rocaille est prévue, qui nécessite un wagon (sic) de pierres commandées chez un entrepreneur de Volvic. Un devis est présenté pour les arbres du parc. 

1895

            Les lettres de l’architecte concernent des détails, surtout le jardin : construction d’un « rocher chute d’eau », des plantes fournies par Moindrot (Moindreaux !), horticulteur à Aurillac ; les dépenses regardent l’installation et le fonctionnement du laboratoire : instruments scientifiques, dont un baromètre, un chronomètre, des balances et des poids, etc., le tout généralement décrit comme destiné au « laboratoire agricole d’Olmet »      

Avant l'achat la "fontaine" était un abreuvoir destiné aux animaux

avant l’achat la « fontaine » était un abreuvoir pour les animaux

1896

            La famille s’est installée. Les factures concernent un peu le jardin, un peu la vie domestique et beaucoup le « laboratoire d’études laitières ». L’horticulteur d’Aurillac qui a déjà sévi fournit des plants d’arbre et des journées d’ouvrier.  La vie domestique est organisée sur un mode que je qualifierai de « colonial » : on importe par colis entiers de l’« épicerie » (un colis de 34 kilos !) ; les chemins de fer d’Orléans livrent six colis, dont un panier,  de pommes de terre, fruits et légumes , curieusement mêlés à des livres  (dans 3 colis !) Si j’en juge par le montant, la perte pour l’économie locale n’est pas négligeable : les six colis arrivés par chemin de fer avaient couté 83, 25 francs rien que pour le transport : comparez avec le cout d’une journée de jardiner (voir supra)

Doit-on en conclure que le marché de Vic sur Cère ne pouvait offrir de pommes de terre ? J’en doute. Je pense plutôt qu’il s’agit de ce bon vieux réflexe parisien, selon lequel on ne trouvait rien de valable sur place. Les femmes de la famille y étaient soumises, et l’amour d’Émile pour sa « petite patrie » ne pouvait s’y opposer : la vie familiale est royaume féminin, souvenons-nous de la jeune épousée s’astreignent aux comptes du voyage de noces, et cessons de nous étonner que le statut des femmes ait été si archaïque, malgré les suffragettes : chacun s’empare des miettes de pouvoir qui lui sont laissées. Après Molière, Mary Robinson-Darmesteter-Duclaux a écrit des choses fort censées à ce sujet.  Et je me souviens des réflexions désobligeantes de ma grand-mère à propos des ressources locales : les caves de la maison contiennent encore d’énormes malles métalliques qui attestent la réalité de ces transports.  Dans mon enfance la seule chose que nous autres enfants avions le droit d’acheter à Vic était les gâteaux, par ailleurs excellents, de la boulangerie Magne dans la rue basse. Nous usions de cette latitude sans modération.

Tour et façade nord

  Disons un mot de la « chapelle ». L’évêque avait laissé derrière lui une chapelle, qu’il utilisait pour les messes quotidiennes à quoi l’obligeait son état. Elle est située au rez de chaussée de la tour ouest, donc à l’étage des caves, et toujours nommée ainsi. Autant les deux grandes pièces qui la surmontent, au rez de chaussée et à l’étage, sont utiles – et utilisées actuellement comme chambre et bibliothèque – autant la chapelle est en dehors des circulations communes et l’a toujours été. Mary Duclaux lui découvrit un usage inattendu : salle de bal pour la jeunesse du village ! Ce qui lui valut une volée de bois vert de la part du docteur Roux, successeur d’Émile à l’Institut et son fidèle correspondant. 

1897

            La famille a quand même dû réaliser l’absurdité de ces achats lointains. Peut-être après tout, les légumes frais n’étaient-ils pas si nombreux sur le marché de Vic où pratiquement chacun, y compris les bourgeois, avait son potager et ses arbres fruitiers. Ce n’était pas la même chose à Aurillac, mais les prestations de la ville souffraient du même mépris, si j’en crois les déclarations de ma grand-mère, et aller à la ville en voiture à cheval nécessitait plusieurs heures de trajet. La solution est évidente : avoir son propre potager et quelqu’un pour l’entretenir. 

C’est en 1897 que, dans le compte rendu d’une de ses visites, l’architecte explique que « la fermière de M. Pagès (le vendeur) est disposée à entretenir le potager », ceci en attendant le recrutement d’un jardinier, lequel sera hébergé dans « la propriété voisine » = la maison Vernis (voir plus bas). Cette acquisition va changer le mode de gestion : inutile par exemple, selon l’architecte, de prévoir le remplacement des arbres morts ou la réparation des murs de pierre sèche, « du moment que vous êtes acquéreur de la propriété voisine, » : sous-entendu, ce sera le travail du futur jardinier. En quoi l’architecte se trompe, ce qui le rendra furieux : il n’a pas prévu les réticences de l’intéressé, ni les velléités libérales d’Émile, qui ne voudra jamais user de son pouvoir de façon aussi coercitive que les propriétaires du coin.  Comme quoi l’opposition entre capitalistes provinciaux et intellectuels de gauche parisiens ne date pas d’hier.

réalisation de la fontaine ; au fond, à gauche la maison du jardinier (maison !Vernis) et, à droite, une vieille grange qui n’existe plus

En 1897 l’occasion se présente d’acheter une maison du village , située juste au dessus de la fontaine : on la voit avec son toit de chaume sur les premières photos du jardin La vente est passée le 25 septembre 1897 chez le notaire de Vic. Le descriptif en est curieux : : 1 : une maison « en ruines » dite maison du fermier : n° 271 du cadastre de Vic ; 2 : une portion de terrain numéroté 272 au même cadastre ; 3 : quelques parties , avec leurs délimitations , sans numéro de cadastre !!! « Les immeubles ci-dessus vendus sont situés au village d’Olmet et sont attenants à la propriété de l’acquéreur »

L’achat est rapidement conclu et les travaux d’aménagement commencent immédiatement . Le couple de jardiniers va pouvoir s’y installer

Réfection de la maison Vernis : les jardiniers sont censés occuper le rez de chaussée ; une entrée coté nord permet l’accès à un escalier qui monte au premier étage, réservé à la famille (Pierre Duclaux y résidera) : on y ajoute une terrasse sur les loges à cochon

              Recruté en avril 1898, Urbain est payé jusqu’au 25 octobre de cette même année : 455 francs, plus une gratification de 30 francs, sur la demande expresse d’Émile, et le remboursement des frais qu’il a engagés. Il n’est pas payé pour les périodes d’absence des propriétaires, il jouit seulement de la maison Vernis, de l’herbe – pour ses bêtes, et du droit d’élever quelques bestioles, à condition qu’elles ne viennent pas devant la maison de maitre !!! Belle disposition ! Allez donc les en empêcher quand les propriétaires s’opposent à tout inesthétique grillage !

les enfants Duclaux montés sur Lolotte et guidés par Urbain

Je n’ai aucun moyen de savoir si ces sommes sont -ou non – généreuses ; ce que je sais, par contre et par expérience, c’est que le contrat des jardiniers, dont j’ai hérité avec la propriété, était d’une grande stupidité : il prévoyait notamment que la famille avait devait recevoir les fruits du potager lorsqu’elle était présente et que le jardinier en jouissait en dehors de ces périodes. Le résultat était quasi inévitable : il n’y avait plus rien dans le potager quand la famille était présente… En revanche tout le village savait – et la famille aussi par voie de conséquence – que la jardinière vendait ses produits sur le marché de Vic. Quoi vérifier ? Et comment ? 

1900 – 1904

            L’essentiel est fait : on règle les comptes de l’architecte. La famille est installée : on utilise le mobilier vendu par M. Pagès en même temps que les murs (pour 847 francs) ; on l’améliore, essentiellement grâce à Mary Duclaux, qui a épousé Émile en 1894 – achat de couverts et d’une louche en argent par exemple -. Elle enverra à Olmet le mobilier de l’appartement parisien qu’elle abandonne pour vivre avec Émile ; il ne reste plus grand-chose du mobilier des Pagès, à part deux immenses armoires et deux magnifiques tables de ferme ; autre ornement :  un splendide banc à sel originaire du val de Loire, acheté par ma grand-mère, Germaine Appell -Duclaux, et que j’ai récupéré dans la « chapelle » 

            Pour mon grand-père, Jacques Duclaux, Olmet était le refuge par excellence ; le domaine l’a été pendant les deux guerres mondiales, il peut l’être encore. Jacques D. pensait qu’il fallait l’entretenir dans cet objectif ; y vivre en autarcie est possible, le potager offre des ressources immenses, on peut y élever poules, lapins, moutons, cochons, etc. Les bois voisins offrent le chauffage… Bref la famille s’efforce de suivre le conseil de Jacques : accueillir et faire front, au cas où…

            Ne parlons pas de malheur ! Mais n’oublions pas que le RSA – le revenu de base, quel que soit le nom qu’il porte ou portera, s’il est insuffisant en ville, permet de vivre très bien en milieu rural ; la région en montre de nombreux témoignages… Le nombre des néo-ruraux augmente, il y a bien des raisons à cela.  

germaine appell-duclaux in memoriam 2

In memoriam II

Germaine A. D. 1885 – 1965

Enfance, jeunesse et mariage

Paul Appell

Alexandre Bertrand

 

Germaine et sa sœur Marguerite ont une jeunesse heureuse, aussi libre que le permet l’époque. Elles vivent au sein du milieu parisien le plus intellectuel et en recueillent les fruits.  Elles courent aussi sur la terrasse de Saint Germain en Laye, sur lestoits du musée d’archéologie nationale[i] et, parfois, dans les jardins alsaciens du Klingenthal ; Marguerite se souvenait avec une affection mélancolique de toutes les bêtises qu’elles avaient faites, sous l’impulsion de Germaine si on l’en croit.

Toutes deux reçoivent la meilleure éducation que la bonne société réserve alors aux filles : celle des religieuses. Je me suis toujours demandé pourquoi Paul Appell – et accessoirement Alexandre Bertrand – tous deux agnostiques convaincus et fermes dreyfusards, n’avaient pas autorisé leur filles et petites-filles à entrer dans l’enseignement public [ii] ? Est-ce l’influence d’Amélie Bertrand, qui n’était pas plus croyante que son père ou son mari mais probablement plus sensible aux réactions possibles de l’opinion bourgeoise ? Ou plus simplement le même type de comportement qui conduit aujourd’hui de parfaits athées à délaisser le collège du secteur (mal fréquenté !) pour l’établissement religieux du coin. On ne le saura pas.     Toutes choses égales, le premier résultat pour Germaine fut un solide athéisme acquis dès l’enfance :  entre autres, elle ne pardonna jamais l’affirmation d’une de ses éducatrices, selon laquelle son père adoré mais peu versé dans le catholicisme, finirait en enfer. Etait-ce le but poursuivi par la famille ? Ou simplement une ferme confiance dans le bon sens des deux jeunes filles qui refuseraient ce qui dans le conservatisme religieux de l’époque était inacceptable.

Le deuxième résultat, positif celui-là, fut la réussite au certificat de fin d’études secondaires auquel le pensionnat accepta de la présenter, et qu’elle put plus tard, avec beaucoup de travail, transformer en baccalauréat.

 

La suite logique est le mariage.   Pourquoi marier si jeune une jeune fille si peu mûre ? C’est ce que se demande Taine dans Thomas Graindorge, avec un certain humour ; la famille lisait Taine, mais de là à suivre ses suggestions !  Quelques mots échappés à Marguerite après la mort de sa sœur me laissent penser que ses parents espéraient par ce moyen calmer les manifestations d’une adolescence trop turbulente : ce que faisait la bourgeoisie du XIX é en envoyant ses fils faire « le grand tour » avant de pouvoir les « ranger » dans un bon métier ; ce qu’elle fait aujourd’hui en leur trouvant un stage à l’étranger ; toutes choses difficiles en 1890 s’agissant d’une fille. La méthode fut-elle efficace ? Dans l’immédiat, oui. Par la suite, c’est moins sûr.

 

Il s’agissait d’un bon mariage selon les normes bourgeoises, entre deux familles d’intellectuels de haut vol et deux provinces françaises.

De son côté à elle, l’Alsace, un père mathématicien né à Strasbourg, Paul Appell, élevé dans la résistance à l’occupant allemand, fondateur du Secours national (1914), enseignant-chercheur dont la carrière brillante se termina comme recteur de l’académie de Paris où il fonda la Cité Universitaire ; et une mère Amélie Bertrand, dont le père était le premier directeur du Musée de Saint Germain en Laye et la mère, Amélie Levy,  petite fille d’un grand rabbin.

De son coté à lui, l’Auvergne, un père chimiste né à Aurillac d’une famille petite bourgeoise, Emile Duclaux, élève de Pasteur, fondateur et premier directeur de l’Institut du même nom, époux en secondes noces de Mary Robinson, poétesse anglaise ; et une mère, Mathilde Briot, fille du mathématicien Charles Briot et de Laure Martin, qui éleva les deux fils orphelins.

Les deux familles vivent à Paris ou en région parisienne, les deux restent fidèles à leurs racines provinciales, malgré les divergences politiques ; les deux sont engagées dans le mouvement dreyfusard et les deux font face aux problèmes que cet engagement engendre. Elles évoluent dans des cercles différents, mais qui se recoupent. Leur entourage compte des hommes – et des femmes –  parmi les plus brillants de la République, les Curie[iii], Blum, Poincaré, Hermite, Borel, Perrin, Paul Dujardin, etc.

Le lecteur parlera peut-être d’endogamie ! Certes. Il n’y a rien là que de coutumier dans la France des XIX è et XX è siècle, les commerçants aussi se marient entre eux, voyez Labiche, et si dans les comédies les histoires se terminent bien, ce n’est pas toujours le cas dans le réel.

Jacques Duclaux

 

Germaine était certainement d’accord pour cette union ; ses parents ne l’auraient jamais contrainte, peut-être y voyait-elle une certaine forme de la liberté qu’elle cherchait ; Jacques, son futur époux, était un libéral, passionné par son travail et peu suspect de tendances autoritaires ; de plus c’était plutôt un beau garçon et un compagnon très amusant. Pour ce qu’elle savait du mariage, tout cela se présentait sous d’heureux auspices. Mais elle ne savait rien du mariage…

 

Tous deux étaient inexpérimentés, ignares sur les questions sexuelles : normal pour l’épouse qui, comme ses compagnes, ne reçut de sa mère comme viatique que le fameux : « ne t’inquiète pas, ma chérie, et fais ce que ton mari te demandera » ; moins pour l’époux, que je soupçonne d’avoir été plus porté sur la recherche en laboratoire que sur les expérimentations amoureuses. D’une discussion que j’eus avec lui, non sur les questions de sexe – je n’aurais jamais osé ! – mais à propos de Freud que je découvrais à l’époque, j’ai retenu la proposition suivante : « Balivernes que tout cela ! Tout se ramène à des questions d’estomac » ; il eut surement ajouté « sexe », il n’était pas prude, s’il avait eu en face de lui son petit-fils. Mais c’était sa petite-fille et elle avait vingt ans ! Autrement dit pour lui la nourriture – et le sexe –   étaient des pulsions primitives qui ne pouvaient – ne devaient – pas dépasser le niveau de la ceinture et n’étaient pas un objet sérieux d’études psychologiques ou philosophiques.

 

Avec ce niveau de réflexion chez l’époux nul ne s’étonnera que la nuit de noces dans le wagon-lit qui emmenait le jeune couple vers les lacs italiens (but d’une originalité remarquable !) fut une catastrophe. Et ce d’après les propres dires de l’épouse, qui me l’a avoué. La seule chose qu’elle ajouta jamais sur le sujet fut qu’elle ne comprenait pas comment il avait réussi à lui faire trois enfants. Là elle exagérait – elle était tout de même médecin – mais cette exagération en soi est significative. Seule la guerre de 1914 mit un terme aux naissances successives, trois enfants follement aimés mais non désirés.

 

Une union née sous de tels auspices a peu de chances d‘être pérenne… et ne le fut pas. Elle se termina par un divorce en 1936, demandé et obtenu d’un commun accord, dès que les deux filles furent mariées et que le dernier des enfants, un fils, Jean Duclaux, fut assez adulte pour supporter ce que ses père et mère pensaient devoir être un choc, et qui le fut. Les trois se souvenaient de parents qui vivaient chacun de leur côté, et ne se retrouvaient que pour les repas qu’ils animaient d’anecdotes et de réflexions brillantes, discussions que leurs enfants regrettaient encore, des années plus tard.

 

La bourgeoisie intellectuelle de l’époque ne s’interdisait pas le divorce, elle essayait de l’éviter : pour des raisons pratiques, la procédure étant longue, couteuse et désagréable ; pour des raisons d’image, la génération précédente, si agnostique fut-elle, n’approuvant pas, et la province étant totalement hostile. Il était tellement plus facile de mener sa vie chacun de son côté, chacun des deux reconnaissant à l’autre le droit d’avoir les relations qu’il voulait, à une condition et une seule : qu’il fut possible  de paraître ne  pas s’en apercevoir. C’est   ainsi que vécut la sœur de Germaine, Marguerite (Camille Marbo, présidente du jury Femina), mariée au mathématicien    Emile Borel, dont les noces d’or furent célébrées à la maison de l’Amérique latine, en présence du tout Paris qui dirige et qui pense.  Divorcer était renoncer à la reconnaissance sociale : rester ensemble est une belle hypocrisie certes, mais qui traduit aussi une autre échelle de valeurs, où ce que chacun doit au groupe passe avant la liberté individuelle.

A condition que cela soit possible, à condition que les divergences se résument à la sexualité, et que le vivre ensemble demeure agréable – et utile – à l’un et à l’autre : ce qui n’est pas le cas, semble-t-il, de Jacques et de Germaine.  Nous en resterons au divorce à responsabilités partagées, ce qu’il fut, en fait sinon en droit.

 

D’après sa sœur, Germaine, enfant, était entière et violente, une révoltée qui entrainait ses amis dans des aventures risquées, une volontaire qui admirait l’action et ceux qui agissent : assez admirative peut être pour agir d’abord et réfléchir ensuite. Suffisamment ambitieuse pour vouloir réussir dans un métier qui lui plairait, elle ne l’était pas assez pour y sacrifier d’autres plaisirs. Assez intelligente pour reconnaître et tirer parti de ses erreurs, elle était hypersensible et artiste, toujours guidée dans ses choix par un bon gout sans failles, qu’elle tenta de transmettre à sa petite fille bien aimée, en l’occurrence l’auteur de ces lignes.

Jacques, lui, était un calme, plutôt conservateur, dont les seuls penchants artistiques concernaient la photographie, que lui-même d’ailleurs n’eut jamais considéré comme un art. Il n’avait aucune ambition personnelle, sinon celle de pouvoir pratiquer le métier qu’il aimait ; il m’a un jour expliqué qu’il faisait partie des « chanceux » qui aimaient partir au travail, parce qu’ils faisaient ce qui les « amusait » ; il eut pu ajouter « ce qui les conduisait à une réussite », mais cela ne l’intéressait pas vraiment, la réussite lui est venue parce qu’il était vraiment excellent et parce que la famille s’en est mêlée. Moyennant quoi il se contentait d’un confort succinct, se moquait éperdument du décor des lieux où il vivait, ne recherchait ni l’argent ni le pouvoir et ne s’intéressait à rien autre qu’à la recherche et à la pensée scientifiques :  à cent ans il écrivait encore des comptes rendus caustiques pour les revues académiques. Il n’allait ni au concert ni au théâtre, ne pratiquait aucun sport, sauf l’alpinisme et la marche ; dans le genre ours on n’eut pas fait mieux s’il n’avait pas été sauvé par un humour qui l’accompagna jusqu’à son dernier jour et faisait de lui, même pour les jeunes gens irrespectueux que nous étions, une relation fort agréable.

Jacques et Germaine n’avaient en fait que deux points en commun : la reconnaissance et le respect mutuel, et l’amour de leurs enfants : ce qui peut suffire à sceller un couple. A une condition : qu’aucun des deux n’ait envie d’autre chose.

Notes

[i] Ce qui valut au conservateur une intervention de la gendarmerie nationale ! L’histoire fait partie des annales familiales

[ii] la loi Camille Sée du 21 décembre 1880 institue les Lycées de jeunes filles.

[iii] Marie Curie avait été l’élève de Paul Appell, membre fondateur de l’Institut Curie ; elle écrivit une nécrologie de Paul Appell : Fondation Curie, P. U. F. , Paris, 6 p.. Correspondance avec Marie Curie, carte de remerciements signée de Germaine A. D. : archives du Musée Curie, AIR.LC.MC/ Pièce 2910 in http://www.calames.abes.fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Emile Duclaux et les sources

 

Émile Duclaux et les sources

 

 

 

Dans les Annales de l’Institut Pasteur1, l’année précédant sa mort, Émile Duclaux fait paraître un article de 45 pages, modestement intitulé Études d’hydrographie souterraines. C’est une étude (partielle) sur le réseau des sources qui affleurent dans les vallées issues du volcan du Cantal. Émile est chimiste, pas géologue, ni géographe : aucun de ses travaux antérieurs ne porte essentiellement sur un problème d’hydrographie, sauf allusion dans les comptes rendus des Annales de l’Institut, mais plusieurs concernent le problème de l’eau et de son caractère potable 2. Pourquoi, vers la soixantaine, s’intéresse-t-il à l’hydrographie ? Sur quoi repose cet intérêt pour les sources et la qualité de l’eau en général ?

 

 

 

L’hypothèse sur laquelle repose cet essai est la suivante : les sujets d’intérêt, donc de recherche, d’un scientifique sont intimement liés à son histoire personnelle ; beaucoup d’historiens choisissent telle ou telle époque ou tel ou tel thème parce que une question en rapport s’est un jour posée dans leur vie : les questions de genre sont traitées surtout par des femmes, par exemple. La tradition familiale – qui vaut ce qu’elle vaut – rend le fait patent en ce qui concerne Émile Duclaux : elle dit que c’est la disparition de sa première épouse, très aimée et morte en couches de fièvre puerpérale, qui l’a conduit à diriger ses recherches vers les microbes et la prophylaxie. Les travaux menés par ses descendants dans sa maison d’Olmet montrent aussi un goût prononcé pour les eaux vives : si avoir de l’eau courante était une nécessité absolue pour faire fonctionner le laboratoire3 , cela ne nécessitait pas le décor du jardin : une fontaine de rocailles (qui a coûté horriblement cher ), un ruisseau en travers de toute la plate bande gazonnée devant la maison, un bassin bordant deux massifs de fleurs et une autre fontaine dans le genre de celles des maisons romaines (un bassin circulaire cimenté surmonté d’une demi voûte ronde, dans laquelle une tête de lion en bronze crache un jet d’eau – (ses descendants l’appelaient « le géant qui crache » – ). Le tout alimenté par un réseau de tuyaux en fonte dont le dessin est perdu et la restitution aléatoire.

 

 

 

Dans la bibliographie republiée par l’Institut Pasteur d’après la première édition parue dans les Annales de l’institut en 1904 avec la nécrologie écrite par le docteur Roux , les publications de Duclaux sur le sujet sont recensées dans le sous chapitre « médecine et hygiène » , qui mentionne 47 études entre 1882 et 1903 ; 14 de ces études concernent le problème de l’eau, soit moitié moins que la question du lait, beaucoup mieux connue comme ayant été un de ses sujets d’intérêt (~28) et autant que l’alcool , qui fut l’objet d’un scandale (~14).

 

 

Dans quel contexte situer ce dernier – et long – article ? Duclaux vient de publier son livre sur l’hygiène sociale ; les microbes, auxquels se consacre l’Institut qu’il dirige après Pasteur, ont besoin de l’eau pour vivre, comme tout être vivant ; ils peuvent aussi polluer l’eau dans laquelle ils vivent, et cela devient alors un problème d’hygiène publique. De ce point de vue la question qui se pose à propos de l’eau est d’abord celle de sa filtration et/ou de son altération, naturelles via les couches géologiques traversées, artificielles via les activités humaines : elle conduit à l’étude d’un – ou plusieurs – réseau(x) fluvial/aux, ce qui a été fait, en particulier pour l’Île de France. Est-ce une raison pour poser la question d’un réseau géographique constitué de très nombreux bassins sans liaison entre eux, le réseau des rivières, ruisseaux et sources issus d’un volcan, celui du Cantal, d’où les eaux partent dans toutes les directions  et qui ne dessert aucune ville importante ; que pourrait bien apporter cette étude ?

 

Je pars de l’idée qu’il y a au début une inquiétude : peut-on encore espérer trouver des sources pures ? Et deux raisons, l’une qui tient à une expérience récente, d’ordre scientifique, l’autre, plus profonde, qui remonte aux joies de l’enfance et à l’amour de ce pays, le Cantal, qui lui a tant donné et à qui il a tant voulu donner.

 

 

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Qu’apporte l’expérience scientifique ? Dans les dernières années du siècle précédent, Duclaux a travaillé, avec d’autres, sur l’approvisionnement en eau potable de la ville de Paris, où l’urbanisation et l’accroissement de la population avaient nécessité un énorme travail d’adduction d’eau ; ce travail remarquable a été exécuté en même temps que la rénovation d’Haussmann par le polytechnicien Eugène Belgrand4 . Nous sommes dans les dernières années du règne de Napoléon III, les idées sur l’asepsie et l’antisepsie sont contemporaines de la finition du réseau et, sinon connues, en tout cas loin d’être acceptées par tous : Belgrand et ses ingénieurs n’ ont pas vraiment tenu compte de ce problème. Environ quinze ans plus tard les responsables politiques de la République réalisent que les eaux provenant d’infiltration, donc les eaux de source, peuvent présenter un risque, notamment en ce qui concerne l’extension d’une éventuelle épidémie. Ils demandent conseil, entre autres, au directeur de l’Institut Pasteur, qui s’exécute : Duclaux propose un «système de surveillance» du «très large réseau de sources», aux fins d’«empêcher les épidémies» potentielles d’«infecter les eaux potables» ; ce système , nous dit-il , fonctionne «assez bien »… Le travail lui a permis de constater, sur une grande échelle, à quel point l’eau des sources n’est plus sûre. N’existe-t-il plus d’eau pure ? Le scientifique sent sa responsabilité engagée. Et, apparemment le montagnard qu’il est toujours resté en est choqué.

 

 

 

Les bactéries dans l’eau ? Depuis 1887 ses publications montrent qu’il se pose la question. Dans les Annales de l’Institut, qu’il a fondées, la Revue critique et la section Revue et analyses font dans chaque numéro le point sur les publications en cours autour d’un sujet en rapport avec les recherches de l’institut Pasteur : le sujet de l’eau potable et de sa sécurité y figure avec des articles, souvent signés par Duclaux, très documentés, fondés sur une bibliographie abondante et internationale: en ordre de quantité décroissante : allemand, français, italien , anglais , ce qui recouvre à peu près l’ensemble des langues scientifiques de l’époque 6 . Les études mises en valeur par lui tournent autour de la question des sols, de l’eau qui les traverse et en sort, de la survie des bactéries dans ces sols et ces eaux, et des moyens de s’en préserver. ( voir les références in fine). L’article publié en 1903 sur les eaux souterraines est la résultante de tout ce travail d’information , mais aussi le résultat de ses recherches sur le terrain.

 

 

 

 

Qu’apporte l’expérience de la vie ? Si Duclaux appartient à la génération qui découvre la pollution en même temps que les microbes, il est aussi le fils d’une terre riche en sources, à côté desquelles s’élèvent les burons et les fermes : sans eau courante, pas de lait, pas de fromage, donc pas de richesses pour ce pays qu’il aime et pour lequel il a tant travaillé dans ses laboratoires successifs du Cantal, au Fau près de Marmanhac d’abord, puis dans sa maison d’Olmet. Ses enfants et petits enfants, comme lui, ont piégé les sources pour attraper les grenouilles, les phasmes et les libellules, recueilli leurs eaux pour élever les poissons pêchés dans la rivière, construit des barrages pour faire tourner les moulins et bu leur eau pour accompagner le pain du goûter. Le monde pour eux, comme pour lui , ne peut s’imaginer sans les ruisseaux et ruisselets qui modèlent le paysage et nourrissent la vie. Les descendants de ces petits enfants ne boivent plus aux sources : beaucoup d’entre elles sont captées8, et celles qui ne le sont pas – pas encore ? – ne sont plus potables9 . A la fin du XIX ème siècle elles l’étaient encore, mais Duclaux semble avoir pressenti – et étudié – le danger : ce danger menace ce qui fait l’essence même de ces montagnes aimées. 

 

 

L’article publié en 1903 sur les eaux souterraines est la résultante de tout ce travail d’information , mais aussi le résultat de ses recherches sur le terrain, dont son épouse parle avec tendresse et de temps à autre un peu d’inquiétude, car cela le conduit parfois à des expéditions acrobatiques.

 

 

Quoi de pire que la pensée qu’il n’existe plus de source pure ?

 

 

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Que conclure de la bibliographie ?

 

 

Les microbes montent ou descendent dans les sols, suivant leur nature et leur perméabilité, entraînés par l’eau dans un sens ou dans l’autre ; il existe « des relations du sol avec l’eau qui le traverse … dont l’étude est indispensable avant de passer à celle du rôle nosocomial du sol et de l’eau » : ce que Duclaux s’efforce de faire en 1887 et 1890 (2 articles, voir bibliographie). Il est évident que, pour lui, l’un précède nécessairement l’autre. Une fois la nature des sols prise en compte, il faut étudier la vie des bactéries dans l’eau ( 1890,1892, 1894, voir ibid.), les contaminations ( 1892, 1898, id.) et surtout la filtration des eaux, naturelle (1891, 1894 , ibid.) et artificielle ( 1890, 1891, ibid.).

 

 

Ce qui vient en premier pour des raisons pratiques évidentes, est l’étude des techniques d’approvisionnement en eau potable dans les grandes villes ; leur croissance est énorme en cette deuxième moitié du dix neuvième siècle et le problème est donc crucial. En 1894 ( Annales de l’Institut Pasteur, 1894/12, revue et analyses, pp. 316 – 322) et surtout en 1900 ( Annales , 1990 , pp. 816 – 822) Duclaux examine « les enquêtes concernant les eaux de source distribuées à Paris » . Il montre qu’il est à peu près impossible d’être sûr de la qualité des sources : « Il faut se résoudre à retrouver dans les sources quelques uns des germes rencontrés à la surface ou dans les profondeurs. Il y a là un fait général et une loi inéluctable, contre laquelle l’homme , les parlements et les capitaux ne peuvent rien » Nous avons ici plaisir à retrouver l’ironie du savant face aux politiques, et les préoccupations du citoyen. « Tout filtre , nous rappelle-t-il, perd de ses qualités par l’usage » et les qualités filtrantes des sols disparaissent sous les villes , surtout lorsque « le régime d’homogénéité du sol qui a pu exister à l’origine fait de plus en plus place à l’hétérogénéité des matériaux de démolition » .

 

En ce qui concerne les travaux d’adduction faits à Paris, « c’est en présence de ces eaux, plus ou moins filtrées au travers d’éboulis que se sont trouvés les ingénieurs quand ils ont voulu les capter [les sources] pour les conduire dans la capitale » ; « elles présentaient toutes les qualités requises par la science officielle d’alors » – on admirera la notion de science « officielle » chez le directeur de l’Institut Pasteur, en repensant notamment aux difficultés rencontrées par le fondateur face à la médecine « officielle » – ; « elles [les eaux] étaient fraîches, limpides, de saveur agréable et très pauvres en matières organiques…Peut être le service des eaux eût-il pu … prêter une oreille plus attentive aux nouvelles exigences que la science apportait dans la question en montrant qu’une eau pouvait être sapide, fraîche et limpide , et contenir pourtant des germes dangereux pour qui la boit » Et pan sur les ingénieurs responsables ! Pourtant Duclaux concède que l’œuvre « s’est trouvée acceptable en ce qui concerne les préoccupations bactériennes » ; Acceptable ne signifie pas suffisante : « elle [l’œuvre]n’est pas à refaire , elle est à corriger et à amender ». Et la fin du rapport va décliner les conditions de ces corrections et amendements. Duclaux ne cherche pas à régler des comptes, il est bien trop généreux pour cela, il veut assurer à ses compatriotes une eau exempte de tout bacille dangereux. Il suggère qu’au lieu de s’assigner la lourde tâche de « surveiller l’arrivée du bacille … dans l’eau des sources ou au moment de son passage à l’octroi de Paris (sic) » on peut essayer de le saisir à son point de départ, c’est à dire au moment où il sort de l’intestin d’un malade10 , est rejeté dans la nature et donc pollue les terres qui le reçoivent. Il faut étudier ce qui se passe entre le moment où la bactérie tombe sur le sol (avec l’eau des déjections) et voir si ayant traversé les couches de terre successives, elle subsiste à la sortie de la source. Les sols filtrent-ils ? Et comment ?

Étudier les sols qui filtrent – bien ou mal – les eaux, conduit tout droit à l’étude « du périmètre de l’alimentation des sources », et donc à celle des réseaux hydrographiques. Duclaux connaît le réseau parisien et a constaté la quasi impossibilité d’y étudier valablement ledit périmètre ; mais quid de la campagne ? Et qu’y a-t-il de plus immédiatement à sa portée que les sources issues du volcan du Cantal ? Une telle étude pourrait-elle servir d’exemple ?

 

 

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Que conclure de l’étude des réseaux hydrographiques  (article de 1903) ?

 

 

« Quand elles sortent de terre sous forme de sources les [eaux] sont devenues limpides, d’ordinaire ; mais la limpidité ne traduit pas la pureté » . La question qui se pose est donc la suivante : comment des eaux [pluviales] « qui arrivent au sol à peu près pures, s’y chargent de germes banaux ou dangereux, dont elles ne se débarrassent ensuite qu’au prix d’une filtration,[par les sols] qu’elles ne subissent pas toujours au degré qu’il faudrait » ? « Quelles sont les surfaces et les épaisseurs de terrains qu’elles ont lavées avant de redevenir visibles et saisissables ? » « Existe-t-il une délimitation de courant correspondant au moment où le trajet de l’eau est invisible , entre la surface du sol sur laquelle tombe uniformément la pluie, et la source qui, par essence, est rare ? »

 

 

Avoir une idée de la façon dont les eaux de pluie ou de ruissellement se transforment en traversant les sols ? Comme les sols des villes n’ont plus guère de rapport avec leur sol d’origine, Duclaux va faire le tour des sources à la campagne, dans un lieu qui lui est proche : les vallées cantaliennes. Il lui est facile d’en connaître le socle géologique avec l’aide des géologues et géographes locaux, il aime le pays, il y passe ses vacances 11 : bref de quoi joindre l’utile et l’agréable, ce qui n’est jamais interdit, même à un scientifique de renom.

 

 

De plus ce travail est heureusement compatible avec le tourisme. Sa femme l’accompagne dans ces expéditions, parfois périlleuses : Émile n’est plus de la première jeunesse et les sources ont la mauvaise habitude de se nicher parfois dans des endroits peu accessibles. « Parfois nous louons une voiture et allons nous promener assez loin , avec une douzaine de grands flacons sous le siège du conducteur, à la recherche des sources que mon époux analysait. ». Si Émile juge que la descente n’est pas possible pour elle, sur le plateau « de Badailhac » par exemple,« il [la] laisse dans la carriole pendant que lui descend la colline, avec ses grandes bouteilles de verre, vers les sources.12 »En l’attendant, elle tente d’entrer en contact avec les paysans qui l’entourent et s’aperçoit qu’elle, la femme qui parle et écrit trois langues vivantes, est incapable de comprendre l’occitan : ce qui la conduira à s’intéresser cette langue « des troubadours » Mais Émile remonte bientôt avec “ses grandes bouteilles” et la carriole retourne vers le laboratoire, où il va travailler pour le bien être de ces paysans que sa femme voudrait tant comprendre.

 

 

 

 

Recueil des eaux de quelques 110 sources, ruisseaux et rivières, dont prioritairement celles de la maison d’Olmet, étude de la température, des résidus et des sels, et ce à des dates diverses : pour “sa” source, pas moins de 17 relevés différents entre juillet 1894 et juillet 1903, dont certains en plein hiver, pour aboutir à la constatation que “ce sont des eaux différentes” . “On voit qu’alors même qu’on a fait ce qu’on a pu pour avoir une eau de source homogène, on n’arrive jamais qu’à avoir un mélange de plusieurs eaux et que, dans la réalité, si l’homogénéité se fait, c’est à l’aide du mélange de quantités innombrables de filets non identiques”. Et le savant de laisser la place au citoyen qui conclut : ”C’est le même mécanisme qui permet de parler de l’homogénéité d’une nation”.13 : Renan eut aimé cette comparaison!

 

 

Avec cette étude à quoi il a consacré tant de promenades, Émile a la satisfaction de constater que, s’il elles n’y sont pas “homogènes”, pourtant “dans les terrains volcaniques du Cantal .. les sources sont stables et conservent leur pouvoir filtrant.. [et qu’] on [y] sait toujours d’où vient le filet d’eau qu’on cherche à utiliser” … “Les quelques germes qu’on [y] rencontre viennent des parties superficielles et non des parties profondes des eaux qui viennent s’y réunir” et “quand l’analyse [lui] signal(e) un excès de calcaire, de sel marin, de matière organique, [il] trouv(e) toujours à petite distance, en amont, de quoi expliquer l’irrégularité” . Il existe donc, dans cette France encore très agricole, beaucoup de lieux semblables aux montagnes auvergnates où l’eau est préservée, ou relativement facile à surveiller, à la différence des grandes villes. Si les eaux n’y sont pas homogènes, au moins elles peuvent être sûres.

 

 

Voilà qui paraît rassurant pour l’avenir !

 

 

 

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Il aurait eu tort tort d’être rassuré, s’il l’a vraiment été. L’histoire montre que, un siècle après, il y a beau temps que les services des eaux, dans les campagnes et dans les villes, ont renoncé à déterminer quels sont les sols indemnes de pollution ; on « traite » les eaux potables à la sortie, ce qui leur donne ce délicieux goût de javel que tout un chacun peut tester en buvant l’eau de son robinet ; ce qui aussi fait la fortune des fabricants d’eau en bouteille, dont on peut espérer, soit que les industriels concernés ont vraiment étudié à fond « le périmètre de l’alimentation des sources » , soit qu’ils traitent l’eau « naturelle » en question. Duclaux, lui, espérait qu’on puisse «  arrêter [les bacilles] au point de départ » et qu’on serait ainsi « débarrassé des soucis , des confusions et des lenteurs inévitables de la surveillance au point d’arrivée » . Il n’avait pas prévu qu’il serait plus facile – et plus rentable – de traiter toute eau destinée à la consommation, ce qui évite non pas la surveillance mais réduit ladite surveillance au point de recueil des eaux, au départ du réseau . Le traitement est-il adéquat ? Et suffisant ? La réponse , relativement facile, dispense de l’étude, longue et dispendieuse, surtout si elle doit être renouvelée régulièrement, du bassin d’alimentation. C’est ainsi qu’on abandonne le souci de la qualité même des eaux captées ! Et par la même occasion la qualité des sols !

 

 

Duclaux ne pouvait penser qu’on puisse renoncer un jour à boire directement l’eau des sources ; il n’aurait pu se résigner à des ruisseaux et des rivières où les écrevisses ne pourraient survivre, lui qui les avait sans doute pêchées dans les eaux de l’Authre, à coté du Fau, comme l’ont encore fait ses petits enfants. Il rêvait d’eau pure. Ce qu’il avait vu dans les villes, et d’une certaine façon aussi ce qu’il avait vu en Auvergne, pouvait sans doute garantir une certaine sécurité . Et encore ! Car que se passerait-il si le « périmètre du bassin » n’était pas surveillé ? Rien que cela nécessitait une action publique.

 

 

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L’eau pure ! La vie, au sens où nous la définissons, n’existe pas sans eau L’eau pure, elle, représente bien plus. Elle est innocence – et virginité –14 ; on s’y plonge, car on peut préférer mourir que de perdre cette pureté15 : elle est donc aussi la jeunesse16 .. et l’amour, l’amour rêvé17 . Y sont associés le printemps, la fraîcheur , l’éveil à la vie… et le renouveau : c’est le mythe de la fontaine de jouvence qu’étudie Gaston Bachelard. L’écoulement de l’eau est aussi un langage, celui de la poésie: « Il [le ruisseau] vous redira à chaque instant quelque beau mot tout rond qui roule sur les pierres»18 . L’innocence , la jeunesse , la poésie, l’amour … et, pour un homme, la femme ! Émile a soixante ans, il a une solide culture classique et il est depuis trois ans l’époux heureux d’une femme qui vit par et pour la poésie, Mary Robinson. L’eau pure pour lui, comme pour Bachelard, n’est pas seulement le H²O du chimiste, elle est aussi une image idéale de ce qui fait la poésie et la beauté de la vie.

 

 

L’amoureux de la nature, à défaut du poète qu’il admire en sa femme, ne veut pas imaginer, encore moins se résigner à un monde où l’eau pure n’est plus que le résultat d’une filtration que le chimiste n’a pas de mal à dominer, mais où le mythe n’est plus relié à aucune réalité :  « La source pure n’est plus qu’un idéal dont on cherche à se rapprocher », regrette -t-il.  Le scientifique en lui réagit. Comment agir pour que les sources soient pures ? Si Duclaux n’est pas loin d’abandonner dans le cas des villes, reste la campagne , le réservoir de cette ancienne culture rurale que les deux époux admirent. Peut-on espérer y être – et y demeurer – plus proche de l’idéal ?

 

Le problème de l’eau relève de la sécurité alimentaire. C’est aussi un problème écologique : le mot vient d’être inventé. Peut-on se contenter de dominer les moyens de rendre n’importe quelle eau potable sans se poser la question de ce qu’il y a à faire, en amont du traitement qui la rend telle : ce serait ne s’intéresser qu’à l’homme, et faire fi des paysages et de la nature dans laquelle il vit. .. Et comment « surveiller » les sources campagnardes ? Le problème, pour Duclaux comme pour sa femme, regarde la beauté du monde  . Aurait-il postérieurement posé le problème dans ces termes, nous ne le saurons pas

 

 

Mary, elle, peut se contenter de rêver l’eau : « les beaux damoiseaux , les belles demoiselles [qui cueillent des fleurs] au bord des eaux » ; elle peut se rêver « une source, jaillissant de la profondeur des montagnes, … une image dans la source »19 . Mary est poète ! La science, pour Émile, crée des obligations à celui qui la possède. Un scientifique a des devoirs vis à vis de ses concitoyens, quelles qu’en soient pour lui les conséquences . Duclaux, citoyen, a agi vigoureusement pour Dreyfus, conscient pourtant que cette action allait le séparer d’une partie de sa famille et des habitants de sa ville, Aurillac . Il se reconnaît aussi des devoirs vis à vis d’une contrée et d’un paysage qu’il aime, d’où, sur le plan économique, les travaux bien connus sur le lait et le fromage. D’où d’un point de vue écologique avant la lettre, l’étude sur les sources du Cantal.

 

Avant d’agir il faut connaître … et comprendre. Le directeur de l’Institut Pasteur est un citoyen responsable en même temps qu’un scientifique ; dans l’affaire Dreyfus il s’appuie sur une étude des documents, et lorsqu’il s’est prouvé à lui même qu’il a affaire à des faux, il agit… et publie. Le problème de l’eau potable est du même ordre.20 Comprendre, pour pouvoir agir de façon appropriée ! Et se rapprocher de l’idéal ! Idéal de vérité pour l’affaire Dreyfus. Une nature idéalement intacte dans le cas de l’eau. Comment Émile Duclaux pourrait-il deviner que cet article serait le dernier publié de son vivant ? Et que l’action ne pourrait pas suivre.

 

 

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En notre bonne année 2014, où la pollution est industrielle, la question se pose, de savoir s’il  existe encore des lieux de nature impolluée,  et pas seulement d’eau pure. S’il en existe , que faire pour qu’ils le demeurent ? Les cent dix ans écoulés depuis la mort d’Émile paraissent n’avoir vu que l’aggravation de ces problèmes. Duclaux aurait-il pu agir ? Rien n’est moins sûr. Il me paraît pourtant certain qu’il aurait essayé, sans quoi les travaux sur « l’hydrographie souterraine » n’auraient guère eu de sens.

 

 

 

Émile Duclaux s’est voulu un acteur social ; ses travaux scientifiques et son action politique le prouvent : Dreyfus et la ligue des droits de l’homme, le lait, le fromage et d’une certaine façon l’alcool . Pour l’eau, malheureusement, il n’a pas eu le temps de l’être. Pourquoi ne pas lui rendre cette justice dans ce domaine qui est pour nous , aujourd’hui, primordial ?

 

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Jacqueline Bayard – Pierlot

 

Écrits sur l’eau

 

 

bibliographie et sources bibliographiques desdits écrits (quand elles sont citées)

 

 

1887 , Duclaux , sur la théorie des oscillations des eaux profondes, rôle de la capillarité dansle transport des bactéries, , in (Annales de l’I. P., revue critique, 1887/1, pp. 134

 

  1. journaux allemands : 2 articles : théorie des oscillations des eaux profondes ; la capillarité du sol dans les transport des bactéries ; discussion entre les deux auteurs concernés

 

 

1890 : Duclaux (Annales de l’I. P. 1890/01 p. 41 sq) Le filtrage des eaux : revue critique à partir de 10 articles :

 

  1. journaux français : les fontaines de Dijon ( (1862) ; problèmes de filtration des eaux ( 1872 [article de Duclaux in Annales de chimie -Physique ]. ] , 1881 ; l’alimentation de Zurich en eau ( annuel , 1885 -> 1888)

  2. journaux allemands : les germes dans les eaux de boisson … (s.d.) ; les eaux des conduites de Berlin (1887) ; principes de filtration (1887) ; hygiène dans l’alimentation en eau (1889) ; les filtres à sable de Zurich ( 1889) ; la sécurité des eaux de boisson à Berlin (1889)

 

 

1890, Duclaux , action de l’eau sur les bactéries pathogènes, ( Annales de l’I. P. sans plus de précisions , revue critique , p. 109) , revue à partir de 13 articles : 1866 → 1889

 

  1. journaux allemands : les bactéries dans l’eau : 8 articles (ou livres)

  2. journaux français : id : 2 articles (ou livres )

  3. journaux italiens : id. : 2 articles

  4. journaux anglais : id : 2 articles

 

1890 : Duclaux ( Annales de l’I. P. 1890/03 p. 172 sq) Sur les relations du sol et de l’eau qui le traverse : revue critique à partir de 18 articles

 

  1. journaux français : sujet non précisé :1853 ; id. 1854 ; Delesse , carte souterraine de Paris, 1857 ; Risler, bibliothèque universelle de Genève , 1869

  2. journaux allemands : sujet non précisé : 1860/61 ; cH. Von Kleber , circulation capillaire de l’eau dans le sol…, in Landw. Jahrbucher v Thiel, 1877 ; A. Lubenberg, sur l’état actuel de la physique du sol , in Forschungen auf agrikultur -Physik , 1878 ; Flege, sur un nouveau moyen d’évaluer la perméabilité des sols , ibid, 1880 ; Fodor, recherches hygiéniques sur l’air, le sel, et l’eau, 1882 ; Hoffmann, Nappe souterraine et humidité du sol , 1883 ; Welitschovsky, perméabilité du sol pour l’air .. et l’eau , 1884 ; influence de la composition du sol sur son pouvoir évaporant, 1884 ; la capacité pour l’eau des diverses espèces de terre , 1885 ; les rapports de porosité des sols , 1885 ; les oscillations de la nappe souterraine , 1885 ; le sol , 1887 ; sans titre , passim in une revue allemandes sur la biologie et l’hygiène

1890 Duclaux , sur les actions chimiques et microbiennes qui se produisent dans le sol, (Ann. Inst. Pasteur, 1890/14, p. 232 -245) : revue critique à partir de 15 articles

           

              1. journaux français : un de Duclaux , in Annales de chimie – Physique, XXV, 4è série, , 1859 :4 articles sans titre mentionné ; l’altération des cours d’eau et les moyens d’y porter remède ; commission technique de l’assainissement des eaux de Paris, 1883 ; rapport au sénat sur l’utilisation des eaux d’égout de Paris sur les terres agricoles…, 1888 ; le bacille typhique dans le sol , 1889 .

 

          2. journaux allemands : 1853 – 59 : 4 articles sans titre mentionné ; 1884 , l’épuration spontanée du sol : 1883 : les actions chimiques dans le sol et les les nappes souterraines.. ; l’influence du sol sur les bactéries pathogènes , 1886 ; bactéries et eaux profondes , 1886 ;

 

 

1891 Duclaux , Le filtrage des eaux de fleuve , in Ann. Inst. Pasteur, 1891/04 , pp. 257 – 267 revue critique à partir de 9 documents

 

  1. documents français : M. Belgrand , la Seine , Paris , 1872 ; températures de l’eau du fleuve à Toulouse , 1883 ; mémoire sur la filtration , 1890 ; amélioration et extension du service des eaux de Lyon , 1891 ; L’eau filtrée à Nantes, 1891

  2. documents allemands : nappes souterraines et humidité du sol , 1883 ; oscillations du niveau de la nappe souterraine , 1885 ; Soyka, le sol , s. d. ;

 

1892 Duclaux , sur la contamination des puits , in C. R. Ac. d. C. , 1892, CXXV, p. 913 : un article sur le même sujet figure dans la Revue d’hygiène et de police sanitaire, 1898, p.64

1894 Duclaux, la purification spontanée des eaux de fleuve , in Ann. Inst. Pasteur, 1894/2, p. 117 – 127 & 1894/03 , pp. 178 – 186 , revue et analyses : sources non citées en tête mais en note éventuellement/

1894, Duclaux , Moyens d’examen des eaux potables , , in Ann. Inst. Pasteur, 1894/ 07 revue critique p. 514 : pas de bibliographie en tête ; voir dans les notes

1894 , Duclaux, Rapport général sur les enquêtes concernant les eaux de source distribuéesà Paris , in Ann. Inst. Pasteur, 1894/ 12, pp. 316 – 322, revues et analyses ; sources non citées en tête mais en note éventuellement/

1898, Duclaux , contamination des puits , in Revue d’hygiène et de police sanitaire, 1898, p. 64

1900, Duclaux, Rapport général sur les enquêtes concernant les eaux de source distribuéesà Paris , in Ann. Inst. Pasteur, 1900, p. 816 – 822 ;revues et analyses ; sources non citées en tête mais en note éventuellement/

1901 , Duclaux, Eaux de sources , inRevue d’hygiène et de police sanitaire, 1901, p. 298  & 334

1903 , Duclaux, Études d’hydrographies souterraines , in Ann. Inst. Pasteur, 1903/08 , pp. 523 – 539 & 640 – 664

 

Notes

 

1 Annales de l’Institut Pasteur, 1903/08, pp. 523 – 539 ; ibid. 1903/10, pp. 640 – 664 ; ibid. 1903/12, pp. 857 – 861

2 Voir Rapport général sur les enquêtes concernant les eaux de source distribuées à Paris, in Annales de l’lnstitut Pasteur, 1900, p. 816 ; Un certain nombre d’articles de Duclaux et un livre concernent le problème des eaux potables : voir entre autres L’hygiène sociale , Paris, 1902 et de nombreux articles antérieurs entre 1890 et 1900: contamination des puits, filtrage des eaux, relations du sol et de l’eau qui le traverse, filtrage des eaux de fleuve, examen des eaux potables ; voir Biographie d’Émile Duclaux , rediffusé par l’institut Pasteur , Charaire , Sceaux, 1904, p. 28

3 Voir article sur le sujet ici même (www.le-petit-orme.fr)

4 Polytechnicien (X1829), ingénieur général des Ponts et Chaussées, élu membre libre de l’Académie des sciences en 1871, Eugène Belgrand participe à la rénovation de Paris dirigée par le Baron Haussmann, entre 1852 et 1870,

5 Jusqu’à une vingtaine de documents, articles et livres, par critique

6 Duclaux lui même fait remarquer l’importance des publications allemandes ; il est évident que , sur ce point, les allemands semblent en avance.

 

7 Fermes d’été dans la montagne

8 De toutes celles que Duclaux a étudiées, la moitié peut être seulement se repère encore sur le terrain.

L’auteur de ces lignes a fait analyser en 2012 l’eau de la source captée par Émile Duclaux pour la maison et le laboratoire d’Olmet ; cette eau est polluée, que Duclaux a analysée dans les années 1900 et qu’il déclarait « plus pure que l’eau d’Evian »

10 Pour Duclaux y on trouve la principale origine possible de pollution : les maladies transmissibles sur lesquelles l’Institut Pasteur travaille ; il n’envisage pas la pollution industrielle des sols, alors relativement localisée

11 Études d’hydrographies souterraines , voir bibliographie infra

 

10 The fields of France, a farm in the Cantal, pp. 28 sq.

11 Études d’hydrographies souterraines , p. 539

12 St Pol Roux , la carafe d’eau, 1889

13 Paul Valéry, Cantate du Narcisse, 1941

14  André Chénier, Bucoliques, Hylas

15  Baudelaire , le jet d’eau

16  Bachelard , L’eau et les rêves , p. 262

17 A handfull of honeysuckle : dans le jardin d’Apollon ; Images and meditations : the mirror and the well

18  Il serait intéressant d’étudier aussi le problème de l’alcool sous cet angle.

 

Biographie de Mary Duclaux – D’une rive l’autre – Chapitre 4

Un mariage de raison

Après six ans de deuil et ce que l’on n’appelait pas encore une dépression, Mary rencontra Émile Duclaux et s’aperçut qu’elle était encore jeune . Elle avait la quarantaine : si l’on en croit Balzac et quelques autres, c’était une femme âgée, mais ils n’en tinrent pas compte.

Après la mort de James Darmesteter les amis de Mary craignirent pour sa vie . Elle voulut rester à Paris, ils ne l’abandonnèrent pas, cherchèrent à lui changer les idées et vinrent à son aide en soutenant ses recherches. Grâce à Taine et à Gaston Paris parurent le Froissart et les Essais sur le moyen Age. Renan était mort le 2 octobre 1892, deux ans avant Darmesteter ; la famille Renan, qui avait accueilli l’élève, puis l’épouse de l’élève, devint un refuge pour Mary ; Cornélie, puis Noémi Renan lui suggérèrent d’écrire une biographie du maître : le livre parut en en 1897 à Londres et en 1898 à Paris.

Ces activités l’aidèrent à sortir du marasme . Elle suggère elle-même à quel point il fut lourd. Dans un article sur Thackeray , paru en 1900 dans la Revue de Paris (115) , elle s’étend sur la façon dont le romancier se remit de la mort de sa jeune femme « dans sa grande maison de Young street , à Londres » : « Nous croyons , écrit-elle, tomber dans un précipice, nous sommes étourdis par la chute, et l’abîme nous parait vide, tout noir, effroyable : au bout de peu de temps, nos yeux se font au crépuscule ; nous distinguons des objets qui deviennent familiers à leur tour ; ce n’est plus un abîme, c’est un ravin ; la vie n’y est plus insupportable ».Le nous est clair ; comme Thackeray elle est tombée « dans l’abîme » , comme Thackeray , « pour[elle] la jeunesse a disparu ; à sa place [elle] a trouvé une indulgence nouvelle, qui tient peut être à une grande lassitude … Désormais le sentiment dominant , c’est un sentiment presque romain de l’ennui de vivre » Et – c’est la conclusion de l’article – même si l’ œuvre demeure, « toutes choses n’aboutissent –elles pas au même terme ? Vanité des vanités ,… tout est vanité »

Après la mort de James, elle eut pu regagner l’Angleterre et tenter une carrière littéraire . Sa famille y vivait . Mais son père, aimé et admiré, était mort en 1897 et Vernon Lee vivait en Italie avec d’autres amies. Mary eut certes pu rentrer , c’est sûrement ce qu’ un homme eut fait à sa place . Elle avait plus de chance de réussir dans le pays qui l’avait célébrée comme jeune poète prometteur, six ans ne font pas un gouffre béant, ses éditeurs étaient fidèles et continuaient à la publier . La concurrence en France était rude, Mary n’y avait qu’une petite notoriété, et, pas plus à Paris qu’à Londres, elle n’éprouvait l’envie de faire ce qu’il eut fallu pour sa publicité : hanter les salons qui assurent le succès.

Apparemment elle avait tiré un trait sur les succès de sa jeunesse londonienne.

Elle avait choisi la France et le mariage en épousant Darmesteter, elle y avait vécu six ans avec lui, sa famille – pour ce qui en restait – était devenue la sienne, les amis de James étaient devenus ses amis : elle resta fidèle à son choix.

Une fois le premier choc passé, Mary était bien trop énergique pour ne pas réagir . Sa morale lui interdisait le suicide, l’orgueil qu’elle tenait de son éducation ne lui permettait pas de se laisser aller et, de plus, comme elle l’écrit dans une lettre à sa mère, malgré les préjugés du temps elle se sentait encore jeune. Si tout aboutit au même terme, comme dit l’ecclésiaste, pourquoi ne pas tenter de vivre ? Cela passait par la recherche et l’écriture, certes ! Mais Mary avait goûté à la liberté qu’assurait alors le statut de femme mariée, elle avait apprécié le confort que donne un vrai compagnonnage reconnu par la société , bref elle avait acquis une stabilité sociale et n’avait peut être pas envie de tout recommencer.

Alors un homme apparut , fort différent de James. Lui aussi avait été touché par la perte d’une femme immensément aimée, lui aussi était « triste et solitaire » , uniquement dévoué à sa tâche scientifique et à l’éducation de deux enfants, ce que James n’avait pu donner à Mary. Tous deux s’aperçurent vite de ce que chacun pouvait apporter à l’autre.

***

La vie d’Émile Duclaux est connue : né en 1840 à Aurillac il est le fils de Justin Duclaux (1797-1860), huissier-audiencier près du tribunal et d’Agnès Farges (1807-1883), commerçante. Après des études au Lycée d’Aurillac qui aujourd’hui porte son nom et au lycée Saint Louis à Paris, il est reçu à Polytechnique et à Normale supérieure, qu’il choisit . Alors commence une brillante carrière de chimiste, sous l’égide de Pasteur dont il est l’assistant et avec qui il travaillera jusqu’à la mort du savant. Professeur successivement à Clermont-Ferrand , Lyon et Paris , il participera activement à la fondation de l’institut Pasteur , dont il sera le premier directeur.

Élément moins connu : il resta fidèle à sa région d’origine. Il passait ses vacances dans la région d’Aurillac, d’abord au château du Fau, près de Marmanhac , où il fonda un centre d’études laitières destiné à promouvoir les produits du Cantal , puis dans une maison qu’il acheta dans la vallée de la Cère , à Olmet . Il suivit aussi de très près les efforts des félibriges pour fonder une école « auvergnate » (1894) et soutenir le renouveau du dialecte occitan local, cher au cœur de son cousin éloigné , Arsène Vermenouze, et de son neveu , l’archiviste et homme politique, Louis Farges(116) .

Autre élément central : en 1898 il prend part à la défense du capitaine Dreyfus, lors de l’Affaire. Il est nommé vice-président de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen dont il est un des fondateurs(117) .

Tel est l’homme public .

L’homme privé est extrêmement sympathique . Il est facile de le rencontrer . Nous possédons de lui une longue correspondance avec son beau père , Charles Briot, mathématicien connu, et surtout avec la femme de ce dernier , Laure Martin , appelée dans la tradition familiale , « grand-mère Briot »(118) ; il y a aussi quelques missives de lui datant du temps de son second mariage et surtout les lettres de l’époque, écrites à sa mère par celle qui deviendrait sa deuxième femme, Mary Robinson-Darmesteter (119) .

Les lettres des archives du Cantal présentent un jeune homme amoureux de Mathilde Briot au point d’avoir longtemps hésité à faire la demande en mariage. Il a peur, non d’être repoussé , mais de ne pas être digne d’elle , d’être incapable de faire son bonheur. Quand finalement il se décide , il est accepté. D’abord par la fille : il lui a posé la question et s’en excuse vivement auprès du père . Suivant les mœurs du temps, sa conduite a été très incorrecte. « Je suis encore sorti des habitudes en ne vous parlant pas tout d’abord à vous-même … Je l’aimais trop et … elle pouvait être plus heureuse sans moi que moi sans elle … Je ne vous promets pas de lui donner le bonheur, mais si un amour pur, sincère et confiant, si un dévouement de toutes les heures , si un cœur qui n’a jamais battu que pour elle vous semblent des garanties , je peux dire que je les possède… »(120)

Ils se sont mariés , ont été heureux et ont eu deux enfants , Pierre et Jacques . Malheureusement en février 1880 Mathilde meurt de fièvre puerpérale à la naissance du troisième fils, « mon pauvre petit Jean », qui lui même mourra en novembre 1882. Émile est inconsolable. Le 26 février 1880 il écrit à des amis lyonnais : « Ma blessure est telle , hélas, que nulle main ne peut rien. La pensée de mon foyer désert, de ma vie dispersée, de ma joie disparue, de mes enfants orphelins ravive… à chaque instant en moi la source des larmes et je ne me sens soulagé que quand je suis venu pleurer chez elle et auprès de son lit de souffrance, la pauvre femme qui n’est plus. … Je suis et serai encore quelque temps trop meurtri pour former un projet quelconque . J’ai besoin de réapprendre à vivre et de retrouver le courage nécessaire pour cela. Pour le moment il me manque tout à fait et rien ne le réveille , pas même la vue de mes enfants ; je me sens si loin d’eux , si incapable de leur être utile, qu’ils ne me donnent pas la consolation présente , et celles de l’avenir ne peuvent m’être d’aucun secours… »(121)

« Grand-mère Briot » lui propose de prendre la charge des enfants . II refuse « le sacrifice que vous voulez bien me faire » (122) , et les garde auprès de lui , avec l’aide d’une servante recrutée à Marmanhac, près du Fau ; il continuera à passer là toutes ses vacances et à veiller sur le laboratoire. C’est un père exemplaire. Sous la surveillance , proche, de la bonne Catherine à qui ses fils garderont une grande reconnaissance , et celle, plus lointaine, de leur grand-mère, Laure Briot, qui s’en occupera jusqu’à sa mort, ses fils lui rendront cette affection.

C’est donc un homme aux amours brisés que Mary Darmesteter rencontre et pense épouser. En 1901, Émile a 61 ans, Mary 43. Ils sont apparemment d’âge à prendre leur décision tout seuls . Il n’en sera pourtant rien, les familles vont jouer un rôle non négligeable.

Émile Duclaux et Mary Darmesteter se voient pour la première fois à l’occasion d’une visite de courtoisie que Mary fit à Émile au moment de l’affaire Dreyfus . Elle venait le remercier d’une intervention publique en faveur de James Darmesteter. Dans sa biographie d’Émile, elle précise : « Je lui disais parfois que j’avais été pour lui une seconde affaire Dreyfus, car il ne pouvait voir sans voler à son secours, un être innocent engrené dans le malheur ; il m’avait connue par la suite d’un article où , généreusement , il avait pris la défense de mon premier mari , le noble James Darmesteter, diffamé dans sa tombe par un critique antidreyfusard » Ils continuent à se voir, Émile se met à fréquenter le salon de Mary, en devient familier, et petit à petit , chacun se met à espérer qu’il puisse y avoir une issue à leur double solitude.

L’issue en question n’était pas forcément le mariage . Si Mary en parle clairement dans ses lettres à sa mère, Émile, lui, n’y avait jamais songé , dévoué qu’il était à son travail et à ses deux enfants. Il s’en explique clairement dans une lettre à son fils aîné , Pierre, alors ingénieur agronome au Tonkin. Il est amusant de retrouver les attitudes signalées par Violet Paget lors du premier mariage : apparemment c’est Mary qui a fait les premiers pas , et avec une certaine fermeté. Très amusant aussi de voir que la situation n’est pas présentée de façon tout à fait semblable par les deux futurs époux.

Mary écrit à sa mère : « J’ai trouvé une lettre de M. Duclaux, et, comme dans la précédente, recue à Heacham, il a l’air très anxieux que nous nous mariions tout de suite. » (Paris, 5 sept 1900) : peut être a-t-il l’air anxieux , mais il n’en a pas moins hésité pendant plusieurs mois avant de sauter le pas . Toute cette correspondance , sans jamais le dire expressément, présente Émile comme demandeur : « Je me demande si elle [Nelly Rhodes, cousine d’Émile] a la moindre idée que son cousin m’a demandée en mariage une ou deux fois . Mais je pense que nous sommes très bien comme nous sommes et je ne peux pas dire qu’il ait l’air d’avoir le cœur le moins du monde brisé. Je suppose qu’il pense qu’il finira par parvenir à ses fins, mais je n’en suis pas si sûre » (10 juin 1899 ou 1900).

Émile n’est pas tout à fait sur la même longueur d’ondes. Le 11 octobre 1900 il écrit à son fils aîné C’est la deuxième lettre sur le sujet , la première n’a pas été retrouvée. Et voici ce qu‘il dit : « Je pense que tu as été un peu étourdi par ma dernière lettre. Il est certain que je ne m’attendais pas du tout à avoir un jour à l’écrire, et que j’ai été l’homme le plus étonné du monde quand j’ai été mis en face de cette proposition de me remarier. J’ai d’abord répondu par un refus formel , à la suite duquel Mme Darmesteter a été gravement malade. Puis la question est revenue, posée gentiment, sans l’ombre d’embarras, avec une sincérité complète. Si bien que j’ai promis de l’examiner . J’ai passé à cela mes vacances, à peser le pour et le contre, et en fin de compte j’ai fini par accepter. »(123)

d’un coté ni de l’autre on ne peut parler d’ enthousiasme !

Elle hésite parce qu’elle a peur. Le risque en effet n’est pas minime. Émile a une vie familiale centrée depuis des années autour de ses fils et de sa famille, Briot aussi bien que Duclaux ou Duclos. A soixante ans il s’agit d’un « grand changement » et il n’est pas sur que cela réussisse . Et lui, pourquoi hésite-t-il ? Essentiellement à cause de ses enfants, dit-il. C’est « la question qui [lui] pesait le plus au cœur ». Pourtant , assure-t-il à son fils, « Elle en était préoccupée aussi, et me disait qu’elle ne me considérait pas comme engagé et se considérait elle même comme libre jusqu’au jour où elle serait convaincue que notre union ne sèmerait aucune zizanie dans la famille. Elle ne veut pas s’imposer , et je trouve qu’elle a raison. Ceux dont elle mettait l’assentiment au premier rang étaient Jacques et toi. Jacques, elle le connaissait et Jacques la connaissait » En effet les lettres de Mary sont remplies de Jacques , qui remplace occasionnellement son père en qualité de chevalier servant.

Émile doit quand même tenir à ce projet plus qu’il veut bien le dire à son fils aîné. Il met grand soin à lui présenter les points positifs de l’engagement et l’intérêt que ses enfants peuvent y trouver : aucune incidence financière, elle a – et aura – des ressources propres ; elle aura soin d’avoir une chambre prête pour les enfants dans l’appartement commun ; et enfin elle est particulièrement soucieuse de « ne pas semer la zizanie dans la famille », etc.

Quel portrait chacun donne-t-il de l’autre ?

Émile a de l’admiration et beaucoup d’affection pour Mary ; elle excite son instinct protecteur . « Ce n’est pas la crainte de la solitude, dit-il à Pierre, avec du travail on n’est jamais seul, et dieu sait que je vais en avoir encore pendant quelques années plus que jamais. Ce n’est pas non plus le besoin d’une femme : à mon âge on ne songe plus à cela. Je vivais fort bien de ce qui me restait , entre vous et quelques amis , ou plutôt amies, car à Paris on n’a pas le temps d’avoir des amis. Je crois que j’aurais encore pu continuer comme cela jusqu’à la fin . Mais précisément parce que j’avais seulement des amies, je tenais à les voir souvent et j’avais chaque semaine une visite à Mme H. et à Mme D. (124) . Cette dernière est seule, isolée , sans famille et sans appui. … Elle me plaisait aussi beaucoup , tant à cause de son noble caractère que de sa faiblesse. Bref , mis en demeure de choisir entre ne pas la voir et l’épouser, je me suis décidé à la prendre pour femme. »

« Tu ne connais pas Mme D. mais tu as confiance en moi et tu sais très bien que je ne peux accepter qu’une femme très noble et digne de tous, de mes enfants comme de moi-même. Je sais qu’elle est très bonne : je l’ai vue à l’œuvre à plusieurs reprises. Inutile de te dire combien elle est intelligente, et remarquable même comme hauteur d’esprit. Elle ne demande qu’un livre et un coin pour être heureuse. Elle est malheureusement un peu sourde et d’une santé assez médiocre. Cela défend les sorties, et ça cadrera admirablement avec mon genre de vie. Elle est obligée de rester chez elle à partir de six heures comme moi. J’aurai avec elle un intérieur que nous ferons modeste et accueillant… »

Ce plaidoyer est admirable. « Sans famille et sans appui ? Ce n’est pas tout à fait exact . A 61 ans, on n’a plus « besoin d’une femme » ! Voire ! En tout cas, il est décent de suggérer à son fils que tel est le cas, surtout en 1900 et dans une famille bourgeoise. On a besoin d’ « amies » , qu’on va « voir souvent » et là le lecteur est prié de ne pas faire d’ interprétations osées , ce n’est pas le genre de l’homme . Les dames concernées , j’en jurerais moins, mais , en ce qui concerne Mary, elle a surtout envie d’un compagnon, pas d’un amant : nous ne sommes pas chez Paul Bourget et , si Mary est parfaitement capable de compréhension pour les héroïnes des romans bourgeois dont elle rend compte au Times, son histoire précédente montre que ce n’est pas là sa quête prioritaire.

Les qualités de Mary mises en avant sont celles qui ne gêneront personne : bonté, intelligence, hauteur d’esprit. Quant à son « isolement » ? Émile passe sous silence le salon et le « jour » qui attirent chez Mary Darmesteter pas mal de monde, les activités littéraires – les bas bleus ont mauvaise presse dans le tout Aurillac – et les amitiés mondaines , dont les Rohan, les Rothschild et les Halévy , pour ne parler que d’eux. Quant à ses défauts, surdité , santé médiocre, ce sont ceux qui assurent que la nouvelle femme d’Émile sera aussi peu que possible une gêne pour la famille. Le lecteur a tout de même tendance à penser que le directeur de l’Institut Pasteur a très envie d’avoir l’accord de ses fils, il est donc plus attiré par le mariage qu’il ne souhaite en donner l’impression.

Mary présente Émile à sa mère : il est particulièrement timide . « M. Duclaux arrive demain soir [à la commanderie de Ballan, en Touraine, chez les Rothschild] pour 48 heures et nous aurons bien sûr beaucoup de choses à nous dire. Entre nous je pense qu’il aurait pu venir un peu plus tôt, mais il est si horriblement timide que c’est réellement bon de sa part de venir tout de même. ( 22 sept 1900). » Et , un peu plus tard : « Le pauvre cher homme, il est horriblement intimidé de venir me voir parmi une telle foule d’étrangers » (ibid, septembre , sans précisions). Le château de la Commanderie et l’hospitalité des Rothschild étaient assez étrangers au fils de l’huissier d’Aurillac , fut-il devenu directeur de l’Institut Pasteur. Le « pauvre cher homme » ne devait pas s’y sentir à l’aise ! Mais il passe là-dessus , car il est très attaché à Mary.

Outre la timidité, qu’elle apprécie chez « le pauvre homme », Mary dit estimer « sa simplicité, sa droiture et sa gaieté, la bonté de son cœur et son noble désir de rendre le monde meilleur pour les milliers d’hommes et de femmes dont l’existence est une longue corvée ». Mais surtout : « Il m’aime beaucoup et s’inquiète beaucoup de mon bonheur. » Bref il est un gage de sécurité . « Je suis une vieille dame de quarante trois ans (sic !) qui est passée à travers les meilleures et les pires expériences. Mais ma vie n’est pas encore finie,.. » C’est de cela qu’il s’agit de persuader la mère et la sœur , et il n’est pas évident qu’elles vont accepter facilement : « Je viens justement de prendre une grande décision que je me sens obligée de vous communiquer ( Assez difficile de faire autrement !).

« Vous allez penser que nous sommes tous deux trop vieux pour commencer une nouvelle vie. Et tout naturellement vous n’avez pas aimé sa conduite précautionneuse et hésitante en novembre dernier. Mais en y réfléchissant vous penserez qu’il était plus respectable de ne pas se laisser entraîner par une passion soudaine ( a sudden passion, dans le texte anglais !!!),, mais de peser le pour et le contre, de réfléchir, attendre pour savoir si cette grande décision conduirait à son bonheur et au mien. »

Il y a pire : « Sûrement vous allez penser aussi qu’une personne aussi fragile que moi ne devrait pas se marier. J’avais moi-même des doutes sur ce point et j’ai fait des confidences à Landowski (125) : il a dit que c’était la meilleure chose qui puisse advenir à chacun de nous deux, et qu’il était sûr qu’aucun des deux ne le regretterait. » (4 juillet 1900) : on s’en serait douté , voilà au moins dans cette affaire un homme de bon sens Mais en 1900 avait-on les mêmes critères d’évaluation ?

Si Émile Duclaux tient à avoir l’accord de sa famille, Mary tient tout autant à l’accord de la sienne : d’où ces explications un peu embarrassées, dans un style alambiqué qui ne lui est pas habituel. Le lecteur contemporain aura du mal à comprendre pourquoi un tel aval est nécessaire à deux personnes adultes aussi autonomes l’une que l’autre, dans un cas où l’union ne semble présenter que des avantages pour les deux. Il faut se rappeler que tous deux ont vécu des expériences douloureuses qui les ont conduits à se replier sur leurs proches auxquels ils tiennent énormément et qu’aucun des deux n’a de tendances vers les ruptures, ni sociales ni familiales.

Bref , tous deux ont peur : « Oh là là, écrit Mary , le chemin du bonheur est bordé de buissons d’épines ; j’espère pourtant et je crois que nous serons heureux, sans oublier le Passé, où nous avons vécu un roman d’amour, sans oublier non plus les nécessités du Présent, mais en créant notre bonheur, pour nous mêmes et pour les autres, à partir de notre acceptation de ces faits », ce qui est, bien qu’écrit dans un langage de midinette, une assez bonne description de l’équation que tous deux ont à résoudre (Paris, 4 juillet 1900). « Je voudrais plutôt repousser au printemps, pour nous donner, à nous et aux autres, le temps de nous habituer [à l’idée du mariage] . Et bien sûr, nous écouterons la raison, surtout quand c’est moi qui suis la Raison »(Paris 5 septembre 1900).

« Mis en demeure » , Émile finit donc par se décider à « écouter la Raison ».

***

Les lettres écrites par Mary en 1900 / 1901 (126) sont adressées à sa mère et à sa sœur Mabel qui vivaient ensemble à Londres . Madame Robinson les avait gardées, elles formaient une liasse conservée dans une enveloppe en tête de l’Institut Pasteur et titrée par la dame de compagnie de Mabel , qui en hérita : « Lettres à sa mère écrites pendant ses fiançailles avec M. Duclaux » . Sur les deux ans concernés, pas moins d’une vingtaine de lettres, toutes plus charmantes les unes que les autres, émaillées d’anecdotes, de descriptions de dîners d’apparat –plutôt drolatiques–, de visites de l’exposition universelle, de considérations détaillées sur ses accidents de santé et ceux de ses proches, de remarques sur ses habits et la mode contemporaine (apparemment Mrs Robinson était friande de ce type de sujets) , d’informations sur l’avancement de son travail, etc. Le tout assaisonné d’un humour très anglais, où apparaît vite un personnage central : M. Duclaux d’abord , Émile ensuite.

Quelques exemples :

L’exposition universelle : « M. Duclaux » et Jacques servent d’accompagnateurs pendant les visites que Mary organise pour les groupes de connaissances et d’amis qui lui sont envoyés d’Angleterre ; elle doit les guider dans le fouillis de l’exposition. (127)

3 juin 1900 : visite. On retrouve au pavillon italien le groupe anglais qu’elle était chargée de cornaquer : « tout s’est très bien passé , la pluie n’est pas survenue avant que nous ayons fini la visite. .. Aucun de nos aides de camp ne manqua à l’appel. M. Duclaux, qui était en retard comme d’habitude, a été loin derrière nous dans l’exposition pendant près de trois bonnes heures et , alors , il m’envoya un télégramme désespéré. Mais Jacques a été aussi bon qu’il avait promis de l’être, et a guidé notre groupe »

17 juin 1900 : nouvelle visite, en compagnie de « M. Duclaux », qui, pour une fois, n’était pas en retard. En parcourant les allées « nous sommes tombés, dit-elle, sur une petite bonne femme, la cinquantaine minable, avec un bonnet en crêpe noir chiffonné, une figure peu amène et, dans son costume noir bon marché, l’air d’une bonniche. Dès qu’elle nous a vus, elle abandonna la place comme si elle avait honte d’être reconnue. Je pensais : « Ça, c’est une femme avec un passé ! » lorsque M. Duclaux : « C’est une de nos bienfaitrices, c’est Madame Lebaudy ! (128) » Elle était plus minable que la baronne Adolphe [de Rothschild ? ] C’est un signe des temps, je suppose : les millionnaires doivent avoir honte de paraître riches. » Plus de cent ans après il est évident que ça leur a passé !

Dîners ;. chez elle : 17 mai 1900. « J’ai eu à dîner Ludovic Halévy et Marianne ( ravissante avec un grand chapeau de paille orné de roses), Paul et Lili Desjardins (elle aussi très charmante ; j’étais fière de mes lys français ), M. Duclaux et Jacques, tout ce monde pour rencontrer M. et Mrs Humphrey Ward (129) – » Le grand chapeau est à destination de Madame Robinson ; la correspondance est émaillée de robes , châles , sacs , chapeaux, problèmes de couturières, etc. . On n’est pas loin du Jardin des modes ! Pourquoi pas ! Mallarmé lui non plus ne dédaignait pas ce genre de sujet.

Réceptions : dans le tout Paris, celui de la République et celui de la haute bourgeoisie ou de la noblesse. Émile emmène Mary rue Dutot, à l’Institut Pasteur ; elle l’emmène chez ses amis, les Rothschild, par exemple, à la commanderie ou à Paris. Pendant les « fiançailles », on a un peu l’impression que tous deux sont gênés pour présenter une situation qu’eux même considèrent comme une sorte d’aventure et que les autres doivent regarder avec curiosité. Lorsqu’elle l’accompagne à l’Institut Pasteur , elle prend toutes sortes de précautions pour calmer les éventuelles mauvaises langues. Quant au directeur de l’Institut , il connaît certes les réceptions officielles de la République , mais celles qu’offrent les Rothschild ou les Rohan n’y ressemblent guère. A quelques quarante ou soixante ans le statut de fiancé –officieux –n’était sans doute pas facile à porter en ce début de siècle ! Après le mariage, dans un dîner parisien chez les mêmes Rothschild, il a l’air bien plus à son aise ; son statut est clair . Il s’amuse même d’être « pour une heure – l’époux de Mary Robinson…. Ça l’a beaucoup amusé ; il explosait de bonne humeur et a déclaré que j’avais l’air plus jolie que n’importe laquelle des dames. » (130) .Remarquons en passant que la vie paisible et familiale évoquée pour convaincre Pierre permet des exceptions. Ce dont on se serait douté !

Le petit bourgeois auvergnat et la « princesse des lettres » , pour reprendre les termes de Tissot , ne viennent pas du même endroit et n’appartiennent pas au même monde ; en 1900 cette situation n’est pas évidente, d’où les hésitations et les difficultés. Mais tous deux sont anxieux que ce mariage réussisse : sur le plan social et sur le plan familial.

L’institut Pasteur : « Je devrais pouvoir l’aider dans son hôpital et ses fondations pour les travailleurs… »Un beau programme ! Et qui fut rempli. Malgré les obstacles, réels ou imaginaires ; et après bien des précautions . A coté des colifichets, des visites et des anecdotes, il est beaucoup question dans les lettres écrites par Mary, de l’Institut Pasteur alors en cours d’aménagement, de ses commanditaires, on l’a vu plus haut, de ses membres et ses conditions de travail.

21 mai [1900] : « Aujourd’hui je vais avec Eugénie (131) à la pendaison de crémaillère du nouvel Institut Pasteur et de l’hôpital. Tous les ouvriers ( the workmen ) vont avoir un apéritif au champagne et une récompense. J’ai fait le tour des immenses locaux hier et j’ai tout vu en détail ; M. Duclaux m’a montré tous les laboratoires et l’architecte m’a montré la buanderie, les cuisines, la brasserie ; et avec les deux j’ai visité l’hôpital. C’est un lieu énorme avec de la place pour six cents chercheurs (chemists) ; il n’y a que l’hôpital réservé à la diphtérie qui est prêt pour le moment : c’est un endroit agréable, bleu et blanc, chaque lit dans une sorte de box fermé, en verre et carrelage blanc , le tout lavable, avec des angles arrondis ; par des fenêtres à la française , il donne sur une terrasse , au dessus du jardin. Il y a un grand jardin d’hiver pour les convalescents. Tous les animaux et les expériences, etc.,sont dans l’autre bâtiment de l’Institut, de l’autre côté de la rue ; le premier est réservé à la chimie et aux soins de l’hôpital ; il sert aussi pour la chimie agricole et la brasserie ; M. Duclaux dispose d’une énorme salle de réunion et d’un laboratoire d’où il a une vue surplombante sur tous les bâtiments de son petit royaume. Ça a été un gros travail de construire tout cela et je trouve qu’il a l’air fatigué. »

On y rencontre les pastoriens : le docteur Roux (« qui a toujours l’air très malade, avec des cheveux semblables aux miens »), Salimbeni, (132) Metchnikoff(133), « et toute la famille pastorienne , qui m’entouraient si gentiment ».

Après la mort d’Émile, l’institut et les pastoriens furent fidèles à Mary et elle leur fut fidèle. Le docteur Roux, tant qu’il vécut , ne manqua jamais de rendre visite à Mary tous les dimanches, rue de Varennes et quand l’un des deux n’était pas à Paris ils s’écrivaient (134) . Elle ne manqua pas de rendre hommage aux pastoriens dans les colonnes du Times literary supplement : elle signale , par exemple, la vie de Metchnikoff , écrite par sa femme, œuvre dont le caractère littéraire ne saute pas aux yeux (135) La référence à Pasteur s’y rencontre à d’autres occasions : citation de la biographie de Pasteur par Émile Duclaux (136) , rappel d’une parole de Pasteur à propos de Maupassant , qui , selon son valet de chambre , passait plus de temps à se distraire qu’à travailler : « Il ne faut pas faire une distinction absolue entre le temps où l’on travaille et le temps où l’on ne travaille pas », aurait dit le savant : la littérature est donc un métier à temps plein, comme la recherche scientifique : ce serait là un des seuls points communs , s’il en est. Toutes les occasions sont bonnes pour parler de l’institut Pasteur.

Vivre ensemble !

Le mariage dura un peu plus de trois ans : il fut heureux . « J’aimais bien, nous dit-elle, l’homme qui m’avait donné sa vie ». Dans l’appartement qu’ils partageaient , chacun avait son lieu à lui, son bureau dirions nous ; cela valait mieux car il n’y avait guère de points de rencontre entre les travaux de l’un et de l’autre, le scientifique et la littéraire, le chimiste et l’historienne, le traqueur des sciences dures et la poétesse . Dans le petit carnet intime qu’elle tient après la mort de son mari , au milieu des projets à mener pour les années à venir, elle retranscrit une phrase d’Émile, qui l’a sans doute choquée : « L’histoire, disait il, est un fait qui ne se répète pas ; ce n’est pas intéressant » ; le savant n’était pas dépourvu d’humour, il peut avoir dit cela pour faire , comme disent les enfants, bisquer son épouse, sans doute un peu trop émotive à son goût. L’expression est brutale , elle correspond à la pensée de cette génération qui voit l’avènement des sciences dures ; la méthode historique de la fin du XIX ème avait du mal à rivaliser avec la méthode expérimentale de Claude Bernard , même chez une disciple de Taine et de Renan.

Cette disharmonie conduisait parfois à des situations cocasses , que Mary rapporte avec esprit. En 1902 par exemple, elle rend compte dans le Times de sept nouveaux romans français dont les auteurs sont des femmes ; cette revue lui permet de remarquer « la grande indignation et l’alarme des hommes de lettres ordinaires » qui « tonnent » dans la Revue bleue « contre ce monstrueux régiment de femmes » . Ce qui la conduit tout droit à une anecdote : « Nous – c’est le nous du critique littéraire – nous faisions ces réflexions .. lorsqu’un éminent biologiste (sic) entra dans le bureau ; il n’avait probablement pas ouvert un roman depuis un grand nombre d’années. Il les souleva un par un, reposa les volumes jaunes et blancs avec un air investigateur, et finalement resta enfoui dans le volume de Gyp (137) . D’impatients sons gutturaux, des grommellements indignés et même de furieuses interjections accompagnaient sa lecture. Une heure après environ, il jeta le volume sur la table avec un bang, formulant un verdict dont nous n‘osons prendre sur nous de transcrire la sévérité. A ce moment nous essayâmes de modérer cet excès, suggérant qu’après tout il y avait des épisodes ici, des passages là, qui… « Épisodes, passages » cria le scientifique critique ; « Quand je vous dis que je l’ai lu intégralement ! » Et il retomba dans son silence. » Et Mary de conclure : « Après un tel aveu, que restait-il à dire ? » (138) En effet ! Quel bel exemple de communauté intellectuelle entre deux êtres si différents !

Leurs relations commencent par une amitié tendre : « J’étais à Londres chez ma mère, Duclaux m’écrivait tous les jours, nous étions liés par une affection qui ne datait que d’une dizaine de mois mais qui de suite était devenue très confiante, très tendre, d’autant plus que nous n’en savions pas encore la source profonde et secrète : nous n’étions qu’amis » ; elle se poursuit par une forme d’amour fondé sur la confiance et une certaine admiration : « Il a déjà [sur une photo de 1862] l’air que j’aimais tant, cet air modeste, passionné et bon. Quelque chose de l’âpre accent du Cantal vibrait encore dans la voix »

Mais c’est lorsqu’il a vraiment besoin d’elle que Mary retrouve cette forme de dévouement qu’elle a montré toute sa vie : l’amitié tendre devient un véritable amour. Le 13 janvier 1902 , « le soleil .. se levait comme un autre jour, Émile semblait remis d’un léger malaise qui l’avait un peu fatigué la veille » Il mène une journée normale , rentre dîner le soir et, malgré les objections de sa femme, il ressort pour une réunion à la ligue des droits de l’homme. « Je n‘allais plus le revoir tel qu’il me quittait. Celui qui allait rentrer au milieu de la nuit allait me devenir plus cher encore . Ce n’était plus le camarade chevaleresque et charmant qui m’avait choisie parce que j’étais seule et triste… Les femmes , tout comme les hommes, dépensent leur cœur plus généreusement pour ce qu’elles défendent, pour celui qui a besoin d’elles . J’allais donc l’aimer plus encore. Mais j’aurais tout donné pour lui épargner cet amour là. »

Laure Briot – grand-mère Briot pour ses descendants – reconnaît son rôle dans cette famille dont elle était la gardienne depuis la mort de Mathilde, sa fille ; elles échangent des missives de reconnaissance , d’abord un peu compassées, puis plus proches : « chère madame et amie » devient « chère Mary » .Les lettres de Pierre Duclaux, qui viennent d’Indochine et sont adressées à Mary , passent de l’une à l’autre, à la grande satisfaction de la vieille dame. La garde est totalement baissée lorsque Madame veuve Briot constate le dévouement que Mary met à soigner Émile , dont la santé se détériore rapidement dans les années 1902 – 1903. Le 14 janvier 1903 elle écrit : « C’est à vos tendres soins de tous les instants que nous devons de le voir très promptement et très complètement remis. Ses fils ne sauront jamais tout ce qu’ils vous doivent ; mais moi, qui vous ai vue à l’œuvre, moi qui sais de quel dévouement vous l’avez entouré, laissez moi vous dire toute ma reconnaissance.. ».

Émile est mort le 2 mai 1904

De courte durée, le mariage fut heureux . Bien différent des unions précédentes, il était fondé sur la compréhension et l’entraide, comme le montre l’anecdote sur Gyp et le mot camarade utilisé par Mary, parlant de son deuxième époux. Tous deux s’appuyaient l’un sur l’autre, chacun s’efforçait de comprendre chez l’autre un domaine qui lui était totalement étranger .Chacun conserva sa liberté d’action . Émile avait beaucoup de travail , il l’ a écrit, et la part de Mary consista à lui donner un foyer pour rencontrer ses amis et collaborateurs ; peut être aussi à assurer l’aspect social toujours présent dans un hôpital. Mary, elle, continua avec plus de vivacité encore l’activité littéraire à laquelle elle se consacrait ; Émile s’y intéressa avec une certaine distance, et cette distance , qui se retrouvera plus tard dans la correspondance du docteur Roux, contribua à stabiliser les enthousiasmes de sa femme (139) – . Association de deux êtres qui ont chacun leur histoire qu’aucun ne renie et sur laquelle il s’appuie pour repartir, association pour le meilleur et pour le pire où chaque partenaire s’efforce de contribuer à l’épanouissement de l’autre, de l’aider à gérer les devoirs qu’il se reconnaît . Bel exemple de mariage qui avait tout pour durer .

Un des fondements en fut aussi le désintéressement . IL ne s’agit pas d’une prise en charge de l’un par l’autre ; tous deux sont adultes, tous deux sont fiers, tous deux ont charge d’âmes (140) Nous ne savons pas ce qu’en pensait Émile , mais Mary tenait à s’assumer. Féminisme ? Peut être ! Sur ce plan le modèle pouvait être Vernon Lee, qui vécut de son travail. Prudence ? Sans doute ! Même si les fils d’Émile n’étaient pas intéressés, au sens financier du terme. Goût personnel enfin : c’est à partir de 1900 qu’elle tient une rubrique assez régulière au Times Literary Supplement. Ce travail lui donnait un statut et c’est là ce qu’elle recherchait . Avec les livres qu’elle écrivait, il lui procurait des ressources, si bien qu’elle pouvait se considérer comme n’étant pas à la charge d’Émile. Les émoluments du directeur de l’institut Pasteur auraient suffi à assurer les besoins du ménage ; mais elle a eu grand souci, c’est évident, de ne pas paraître faire un mariage d’intérêt .

Une fois le prétendant accepté, Mrs Robinson, qui se situe dans l’image bourgeoise du mariage, exprime l’intention d’ écrire à propos de conditions financières. Réaction très mitigée de Mary , prise entre la volonté de ne pas blesser sa mère : « Il ne faut pas penser , chère maman, que j’ai été offensée par votre souhait d’écrire à mon fiancé à propos d’arrangements ; il est tout naturel, je crois , que vous soyez inquiète » , et celle de ne pas paraître intéressée. Ici, il lui vient une idée assez saugrenue : « un projet est né dans ma stupide vieille tête ; vous savez que je possède deux mille livres sterling qui me viennent non pas de famille mais de Doudou (141) . Je pourrais les placer sur les têtes de Pierre et de Jacques ; si je meurs avant leur père , ils en hériteraient directement ; s’il meurt avant moi, ils me feraient une petite pension proportionnelle à sa valeur. » Et là elle montre le bout de l’oreille : « De cette façon, aucun des deux ne pourrait parler de gain ou de pertes à propos du second mariage de leur père »

Mary n’abandonna jamais ce désintéressement : le testament d’Émile ne laisse même pas à sa femme l’usufruit de la maison d’Olmet. Après la mort de Mrs Robinson, l’héritage familial fut partagé entre sa sœur et elle, il fut certainement suffisant pour leur assurer une certaine aisance, suivant les normes de l’époque, mais guère plus.

Cette attitude fut reconnue par les fils d’Émile ; Jacques était assidu chez elle, Pierre lui écrivait du Tonkin ou d’Auvergne, elle reçut chez elle leurs enfants, et petits enfants , dont l’auteur de ces lignes. Elle fut une mère attentionnée et une bonne grand-mère. Ce rôle ne lui pesa pas si on en croit les rares correspondances qui restent : à part une d’entre elles peut être, ces lettres eussent pu être écrites par n’importe qui d’autre qu’une poétesse anglaise jadis assez connue. Sans qu’elle y eut aucun droit, la maison de Jacques à Olmet fut assez la sienne pour que de nombreuses traces s’y retrouvent, en particulier des livres, dont beaucoup dédicacés, et pas seulement ceux sur lesquels elle travaillait pour le compte du Times.

Après celui de poétesse admirée, puis d’épouse d’intellectuels de premier plan, la mort de Duclaux lui fournit le troisième rôle de sa vie, celui de mère et grand mère. Après Darmesteter, Émile avait donné à Mary une raison d’être : une place à ses cotés dans la tâche qui fut sienne, une famille et une maison à tenir . Une autre existence à mener, une justification enfin : Mary considérait curieusement que ses travaux personnels ne pouvaient y suffire. La logique de cette vie était belle, toute de devoir vis à vis des autres et de soi même. C’était aussi une tentative pour concilier l’indépendance féministe et l’insertion dans une société qui ne l’était pas. Ce projet était conscient , on peut le penser, même si, contrairement à Vernon Lee , Mary ne s’est jamais exprimée au plan théorique sur le problème des femmes. La tentative comporte des renoncements à nos yeux . Aux siens , je ne sais pas . Ce qui est sûr est que ce projet, elle l’a choisi.

***

Transmettre le souvenir !

Comme elle s’était sentie devoir prendre en charge la mémoire de James Darmesteter, elle prit en charge la mémoire de son second mari. La biographie qu’elle écrivit parut en 1906 environ deux ans après la mort d’Émile. Ce n’est pas le chercheur qu’elle célèbre, elle n’en avait ni les moyens ni les titres ; par précaution toutefois elle correspond longuement avec le docteur Roux (142) sur le sujet , lui soumet le manuscrit, sollicite ses conseils, y compris stylistiques. Il répond , et c’est le début d’une amitié, sans doute assez tendre, d’une complicité en tout cas , qui dura jusqu’à la mort du successeur de Duclaux .

Emile Roux s’amuse manifestement des petites erreurs de Mary : le 29 août 1904 , à propos des « préparateurs du laboratoire de Pasteur », il précise : « Il y a quelque chose qui ne va pas . C’est sans doute que vous n’avez jamais été un jeune homme. » Certes ! Quand au style il est bien trop prudent pour s’en mêler , il se contente de calmer le lyrisme naturel de la poétesse quand il le juge utile ( lui aussi se sentait responsable de la mémoire de son maître et il le savait allergique au lyrisme) : « N’essayez pas de mettre trop de choses dans vos portraits. N’ajoutez que peu à ce qui a coulé naturellement de votre plume … Une sobre figure est en général plus ressemblante qu’un portrait poussé à la minutie » (17 août 1904)

Ce qui intéresse Mary, ce n’est pas le savant, c’est l’homme, celui qu’elle a aimé . Elle loue sa puissance de réflexion et de travail : « Duclaux aimait bien mûrir un projet pendant longtemps dans son esprit, s’en débarrasser ensuite par une exécution sommaire, pour y revenir dans la suite, en reprenant son thème d’une façon entièrement neuve. La force d’un esprit, son originalité et surtout sa puissance dépendent, j’imagine, de cette patience et de cette puissance de renouvellement. M. Renan m’a un jour avoué qu’il travaillait à peu près de la même façon… » Et voici que Duclaux , dans un tout autre genre , rencontre celui qui a formé la pensée de Mary, en même temps que celle de son premier époux. Remarquons en passant que les hommes qui ont joué un rôle dans la vie de Mary, J. A. Symonds, Taine, ou Renan , étaient plus âgés qu’elle. Le type de relations qu’elle recherchait avec eux étaient celles de l’élève au maître, de celle qui essaie de comprendre à celui qui peut aider à trouver les réponses ; c’est vrai aussi de Darmesteter. Duclaux répondait parfaitement au modèle.

Elle aima l’homme , elle aima son pays, l’Auvergne ; elle y retrouva un peu de la rudesse des paysages appréciés de ses jeunes années, lorsqu’elle cherchait les traces d’Emily Brontë dans les moors. Quand elle en a l’occasion, dans les articles du Times, dans ses essais [a farm in the cantal ], dans ses poèmes aussi, elle en célèbre les paysans , les penseurs, les « generous , philanthropic , active sons of Utopia » (143) ; elle évoque « les rues étroites d’Aurillac, ou les pittoresques châteaux qui dominent les vertes vallées de la Jordanne ou de la Cère ; l’âme d’une contrée [qui] respire dans ces lignes » (144)

Elle aime chez lui la puissance du regard, et cet attachement au sol, à ce qui en fait la particularité et la perfection, la beauté enfin. Cette approche doit lui rappeler celle, beaucoup plus esthétique mais sincère, de Vernon Lee lorsqu’elle parle du lie of the land . Notons au passage que ce sont là aussi les qualités que Violet Paget (145) appréciera chez Émile. Le directeur de l’Institut Pasteur est un paysan dans l’âme, bien que ses ancêtres aient relevé plutôt d’une petite bourgeoisie provinciale , très ancrée dans le sol . « Il regardait, dit Mary, dans un paysage moins la surface qui chatoie si plaisante aux artistes – ce qu’elle eut fait , elle – que la puissante contexture des choses, l’action et la réaction des forces qui créent les races des êtres vivants. Il aimait se rappeler à chaque pas à quel point nous sommes les enfants de quelques centimètres de terre végétale sur lesquels nous vivons, et combien notre vraie richesse nous vient de la terre… Il devait m’écrire plus tard : « Je me sens avec le sol des attaches profondes… Je ne rencontre pas une muraille de pierres sèches, un mur de soutènement … sans songer à tous ceux qui l’ont édifié, planté, bâti.. Je vis en communauté avec les miens et avec ce sol où ils ont laissé leurs puissantes empreintes.. »

Avec lui elle apprend à connaître et aimer ce pays , malgré son éloignement (Notre Olmet que je trouvais un peu loin de tout), ses orages (on aurait dit une aurore boréale) , ses sources ( la musique des sources entre dans la maison avec l’odeur des foins coupés et la fraîcheur de l’air) ; elle y trouve une source d’inspiration nouvelle pour une poésie qui chante les vallées et les montagnes, comme celle de son « cousin, le poète occitan Arsène Vermenouze.

Olmet ! C’est là que Mary Darmesteter suivit Émile, là qu’après sa disparition, elle assura la continuité de la famille lors d’innombrables séjours. Comme Émile elle s’intéressa à la vie locale, reçut sa famille, rencontra ses cousins –éloignés , à la mode auvergnate – : Robert Garric , Arsène Vermenouze ou Louis Farges, neveu d’Émile . Comme Émile, elle suivit leurs efforts pour promouvoir l’ « école auvergnate » et l’enseignement de l‘occitan , qu’elle regrettait de ne pouvoir comprendre quand il était parlé devant elle.

« Parfois nous louons une voiture et allons nous promener assez loin , avec une douzaine de grands flacons sous le siège du conducteur, à la recherche des sources que mon époux analysait. L’année dernière il m‘a laissée dans la carriole pendant que lui descendait la colline, avec ses grandes bouteilles de verre, vers les sources de Badailhac (146) Nous étions dimanche ; les paysans de cette région montagneuse se tenaient autour de nous , avec leur pittoresques blouses blanches, leurs courts gilets noirs et leur vaste sombreros (sic) . Un d’entre eux s’approcha de la voiture et commença à me parler en « patois ». J’ai saisi les mots « Proubenço, Piémont ». Il dit , expliqua le cocher, que , si vous ne pouvez pas parler notre patois, il peut vous comprendre aussi bien dans le dialecte de la Provence ou du Piémont. Je ne me suis jamais sentie aussi ignorante. J’avais affaire à trois langues modernes , dans aucune des trois je n’étais capable de dire bonjour à un compagnon de route. » (147) Venant de la part d’une femme qui parlait et comprenait au moins quatre ou cinq langues, dont « le fier langage des antiques cours d’Amour » (148) , l’aveu est intéressant. La suite immédiate de ce petit récit présente au lecteur anglais l’action des félibres à Aurillac, Arsène Vermenouze et ses relations avec Mistral, et des considérations linguistiques précises sur l’occitan auvergnat. Il est évident qu’elle partage , dans ce domaine particulier, les intérêts de son époux.

La famille d’Émile fut sa famille, l’Auvergne fut sa province, la maison d’Émile fut sa maison ; c’est là, puis à Aurillac, qu’elle trouva refuge pendant la deuxième guerre mondiale, c’est là qu’elle mourut.

– (115) – Revue de Paris, 1er novembre 1900 , pp. 139 – 163 & 15 novembre 1900, pp. 405 – 421 ; William Makepeace Thackeray
(1811, – 1863,) romanciers anglais , auteur de Vanity fair L’article sur Thackeray est repris dans Grands écrivains d’outremanche
– (116) – Arsène Vermenouze (-1850 -1910) , poète occitan , né près d’Aurillac , félibrige auvergnat, contemporain et ami de Frédéric Mistral ; Louis Farges, né en 1858 à Aurillac , mort en 1941, archiviste, diplomate et député ,.
– (117) – Voir Duclert Vincent, Dreyfus est innocent, histoire d’une affaire d’état, Paris, Larousse, 2006
– (118) -Archives départementales , Aurillac . Charles Briot, (1817 – 1882, mathématicien et physicien français , professeur à la Sorbonne , à l’école polytechnique et à l’E.N.S.
– (119) – Archives familiales, Olmet, 15800 Vic sur Cère.
– (120) – Archives départementales du cantal
– (121) – Archives de l’Institut Pasteur, DUC 1
– (122) -Archives départementales du cantal .
– (123) – Archives familiales
– (124) – Sic : c’est Duclaux qui écrit seulement les initiales. Son fils devait pourtant bien savoir à quoi s’en tenir et le texte n’est pas destiné à la publication . Où va se nicher la pudeur dans ces belles années 1900 !
– (125) – Docteur Paul Landowski , médecin et oncle du sculpteur du même nom .
– (126) -Archives familiales. Madame Robinson semble les avoir gardées parce qu’elles parlaient du deuxième mariage : signe tout de même qu’elle devait se poser des questions.
– (127) – elle donne une description fort amusante de l’exposition, vivante et pleine de détails sensibles
– (128) – Amicie Lebaudy, des sucres Lebaudy, mécène connue .
– (129) – Mrs Humphrey Ward, romancière anglaise alors connue, est une des correspondantes de Taine,
– (130) – s.d ; vers mai-juin 1901.
– (131) – Sa femme de chambre
– (132) -Alexandre Salimbeni, (1867 – 1942) , médecin et biologiste italien , a fondé et dirigé le service des vaccins de l’Institut Pasteur .
– (133) -Metchnikoff , « dont l’institut Pasteur fut la vraie patrie, Duclaux et Roux ses vrais compatriotes ; il y a travaillé, il y est mort : .. il y avait deux chemins vers son cœur : vous étiez d’accord avec ses théories, converti à son message ! Ou bien vous étiez dans la détresse et il venait à votre secours » Mary Duclaux, T.L.S. , 13 janvier 1921, p. 23. Elie Metchnikoff , né en Ukraine en 1845 et mort à Paris en 1916 , zoologiste, bactériologiste , lauréat du prix Nobel en 1908 .
– (134) – Les lettres du docteur Roux à Mary Duclaux sont conservées aux archives de l’institut Pasteur ; les réponses de Roux sont –
peut être ! – perdues
– (135) – T.L.S. , 13 janvier 1921 ;
– (136) – T.L.S. , 26 aout 1920
– (137) – -Sibylle Riquetti de Mirabeau, comtesse de Martel, en littérature Gyp, ( 1849 – 1932) auteure de dizaines de romans à succès, nationaliste et antidreyfusarde
– (138) – T.L.S. 28 aout 1902, p. 120
– (139) – Il lui ouvrit aussi les portes des laboratoires : dans une lettre à sa mère Mary rapporte un rendez vous avec un scientifique qui va tester un appareil d’enregistrement et elle va lui lire ses poèmes .
– (140) – Même si Mabel avait en propre, comme sa sœur, des ressources d’origine familiale, on peut sans doute considérer qu’elle fut à la charge de Mary , en tous cas sur la plan affectif après la mort de leur mère.
– (141) – , le Doudou en question est James Darmesteter ; il est cité sous ce nom plusieurs fois dans les lettres , ce qui jette une lumière particulière sur les relations qui ont pu exister entre Mary et son premier époux.
– (143) – T.L.S. 7 avril 1910, the shadow of love, de Marcelle Tinayre ; on pense là entre autres .à Robert Garric .
– (144) – T.L.S., 18 août 1910, p. 292, à propos d’un roman de L. Delzons , le meilleur amour.
– (145 )- Automne 1901 : visite de Vernon Lee à Émile et Mary Duclaux à Olmet ; cette année là V. L. écrit des essais sur le genius loci (sept volumes parus entre 1897 et 2001 . Vernon a dédié à Émile Duclaux un essai publié dans Sentimental travellers, dans lequel elle écrit : « c’est le premier homme qui a satisfait mon vieux désir de promenades avec quelqu ‘un capable de dire comment une région s’est formée . Le docteur, de sa modeste façon, aimait ces images : orgueilleux soulèvement des montagnes, descentes de fleuves de feu, s’épaississant en ambres liquides quand ils atteignent les plaines et se figeant en basaltes »
– (146) – Lieu dit à côté d’Olmet
– (147) – The fields of France, a farm in the Cantal, pp. 28 sq.
– (148) – Citation d’Arsène Vermenouze

Problèmes d’eau : présentation des documents relevant de l’achat par Émile Duclaux

Les problèmes d’eau

1892 :

  • Lettre de Mme Pagès, née De Rouget au nom de son mari , Vic, 4 décembre problème des eaux : analyse de la fontaine de St Julien : « Nous avons fait part au propriétaire des eaux de Saint Julien du résultat de votre analyse ; il vous remercie sincèrement, et, suivant votre avis, s’en tiendra là.
    Monsieur Pagès fera tout ce qui dépendra de lui pour mener à bonne fin le travail de la conduite des eaux. Il s’entendra avec Monsieur Bois au sujet de l’affaire à régler avec M. Guibal et surveillera le tout de son mieux. »

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