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germaine appell-duclaux in memoriam 5

germaine Appell-Duclaux in memoriam 5

Germaine A. D. 1885 – 1965

 

In memoriam 5

Nouveau départ : vers le grand nord

Quelques six mois après son retour en France, la guerre franco-allemande est déclarée et la famille en sécurité en Auvergne.  Germaine repart pour une nouvelle aventure. Une guerre a commencé dans le grand nord, non déclarée celle-là non plus, avec l’invasion de la Finlande par les troupes soviétiques. Les finlandais opposent une résistance farouche, qui fait l’admiration des médias ouest-européens, et n’obtient aucune aide efficace de leurs gouvernements, du moins en temps utile. Les peuples y voient la lutte de David contre Goliath, la bataille de la civilisation contre la barbarie bolchevique : les images publiées par les journaux sont d’autant plus efficaces qu’elles correspondent à celles que les intellectuels finlandais s’efforçaient de faire passer dans l’opinion européenne depuis la première guerre mondiale et leur lutte pour l’indépendance.

 

La « guerre d’hiver » : origine et image

Dans la guerre qui éclate entre Allemands, Anglais et Français, les mines nordiques de Suède et de Norvège (pays neutres) ainsi que leurs accès maritimes sont un enjeu essentiel. Par ailleurs le pacte germano – soviétique signé le 23 aout 1939 met la Finlande dans l’orbite soviétique (clause secrète) ; mais, malgré le pacte, les Russes prévoient l’invasion de l’Union soviétique par Hitler et veulent donc prendre des précautions, parmi lesquelles figurent :  mettre Leningrad hors de portée des canons allemands ; conserver et sécuriser l’accès à la mer libre autour de Mourmansk. Cela vise directement la Finlande, malgré le pacte de non-agression entre Russes et Finnois, signé en 1932.

Les soviétiques ouvrent des négociations et demandent à la Finlande des modifications de frontières : en Carélie, pour protéger Leningrad ; sur les côtes de la mer de Barents pour empêcher les allemands d’accéder aux eaux libres et aux minerais du nord. Devant le rejet finnois, ils résilient le pacte de non-agression le 28 novembre 1939 et, le 30 novembre 1939, envahissent la Finlande : c’est le début de ce qui fut appelé « la guerre d’hiver ».

Le 30 novembre 1939, les troupes russes (450 000 h., 23 divisions) franchissent la frontière ; elles atteignent vite la ligne Mannerheim (ligne de défense construite par le maréchal Mannerheim) et bombardent Helsinki. La Finlande dispose de ~180 000 h. et de très peu de matériel. Jusqu’en février 1940 les finlandais résistent héroïquement en utilisant leur connaissance du terrain, les conditions climatiques et les insuffisances des armées soviétiques mal préparées à ce type de combat ; ils se résignent à un armistice le 5 mars 1940.

 

Les Finlandais ont cherché de l’aide auprès de la France, de l’Angleterre, et de leurs alliés traditionnels (Suédois et Norvégiens) : sans grand succès. Ils durent se contenter d’un apport de matériels et de la venue de volontaires. Les alliés tardèrent à ouvrir un deuxième front, les états neutres hésitèrent à laisser passer une intervention militaire qui fut finalement prévue pour le 20 mars, donc trop tardive. La France fournit du matériel (avions, canons, mitrailleuses, fusils…) qui arriva en partie après la fin du conflit finlandais. Les moyens inutilisés pour aider la Finlande furent repris et augmentés après l’armistice de mars pour l’expédition de Norvège d’avril – juin 40[i]

Paul Burlet, traces d’histoire, revue 01/01/2003, www.tracesdhistoire.fr

 

 

Cette recherche d’aide est ancienne Dès le tournant du siècle et leur lutte pour l’indépendance, les élites finlandaises ont cherché l’appui des grands pays européens, Allemagne, Angleterre, France, contre la politique de russification mené par le tsar Nicolas II. Elles diffusaient l’image d’une nation opprimée mais solide, soucieuse de légalité, respectueuse du tsar mais désireuse de voir ses droits respectées, organisant une résistance méritoire et largement non-violente… Paris est un des lieux où s’organisent ces réseaux de la cause finlandaise, en contact avec certains milieux français intellectuels susceptibles de réagir. Le peintre Albert Edelfelt, par exemple, fait ses études en France, partage un atelier avec des artistes français et est relations avec les élites intellectuelles, en particulier Pasteur, dont il a peint le célèbre portrait qui figure au Musée d’Orsay : ce qui nous rapproche des Duclaux et de Germaine.[ii]

 

Le Comité France – Finlande et l’expédition médicale française (janvier – septembre 1940)

 

Germaine Appell – Duclaux a pris du service, comme engagée volontaire, dans une unité médicale française en Finlande pendant la guerre d’hiver ; elle en a rapporté maints récits faits à ses enfants et petits-enfants, et des souvenirs matériels qui sont encore à Olmet (Vic sur cère, cantal) dont un sabre d’officier finnois qui fait toujours l’admiration de la jeunesse. Cette participation concerne la guerre d’hiver – décembre 1939 – mars 1940 et non l’expédition en Norvège d’avril – juin 1940, beaucoup mieux documentée par les études françaises.

A l’origine de cette expédition le comité français d’aide à la Finlande, créé le 10 janvier 1940 ; ce comité  fédère des mouvements locaux (depuis décembre 1939 : Bordeaux, Rennes, Angoulême, …) ; ses « soutiens » sont très « huppés » : l’ambassadeur de Finlande, M. Helmas, Mme de Coppet, femme de l’ancien ambassadeur de France en Finlande, Sophie Mannerheim, fille du maréchal, la duchesse de la Rochefoucauld, la princesse de Bourbon-Parme, le cardinal Verdier, le maréchal Franchet d’Esperey , Gabriel Leroy-Ladurie,  etc. Il est lié aux institutions charitables semi-officielles – Croix rouge, Association des Dames de France…  [iii] – Il sera liquidé après l’armistice franco – allemand.

Son activité est celle qui est habituelle à ces sortes d’associations : collecte de fonds, galas, expos, conférences, … Il reprend à son compte une action mise en place par le comité de la côte d’azur et l’Association locale des Dames de France : une ambulance pour la Finlande. Le projet prévoit 10 infirmières,100 lits, 12 voitures avec conductrices, 2 médecins militaires. C’est à ce groupe que se joint Germaine Appell – Duclaux[iv].

Tout le monde est réuni à Stockholm le 29 février et commence à travailler à l’hôpital militaire. Ici intervient un épisode un peu ridicule autour d’un personnage discutable, aventurier mâtiné d’espion, avec détournement d’argent public, frasques diverses, accusations mutuelles… Après enquête menée par un envoyé du comité, l’ambassade débarrasse la mission de l’aventurier et tout le monde se retrouve à Helsinki le 2 mars pour y exercer ; l’armistice intervient le 13 mars

 

Le travail le plus précis et le mieux documenté sur cette expédition médicale qui, soixante-dix ans et bien des campagnes militaires après, parait quelque peu rocambolesque  est celui d’un universitaire franco-finlandais, Louis Clerc, de l’université de Turku (Finlande)[v] Voici ce qu’il en dit : « Les Françaises travaillent à l’hôpital militaire d’Helsinki, et les rares témoignages disponibles montrent des femmes parties pleines de dévouement et de bonne volonté dans l’idée de représenter la France dans un pays en guerre. Pour la plupart issues de « bonnes familles », élevées dans la mentalité des œuvres et de l’action charitable religieuse, elles prennent leur travail très au sérieux. : leur correspondance est pleine d’exaltation romantique, d’honneur de la France, d’amitié partagée avec des Finlandais de carte postale, de poésie des paysages de neige. Si les médecins portent un regard plus critique sur la situation, ils sont eux aussi volontaires et témoignent du désir de se rendre utiles sur ce qu’ils voient comme un des fronts de la guerre mondiale ». Après la fin des combats, le matériel est laissé sur place et on rapatrie les personnels en avril – mai par la Norvège, « souvent dans des conditions rocambolesques ».

Germaine Appell – Duclaux, elle, rejoint dans le grand nord les français de l’expédition de Narvik et rentre en France via l’Angleterre.  En juin 1940 elle sera à Saint Affrique (Aveyron), chez sa sœur, Marguerite Borel, et toutes deux s’occuperont d’accueillir les réfugiés de la « débâcle » française.

Notes

[i] Le plan approuvé le 5 février par le Haut Commandement Allié prévoyait l’envoi de 100 000 Anglais et de 35 000 Français qui devaient débarquer dans le port norvégien de Narvik, et aller soutenir la Finlande via la Suède tout en sécurisant des corridors d’approvisionnement tout au long de leur parcours. La campagne de Norvège dure du 9 avril au 13 juin 1940. Elle vise à contrer les armées allemandes qui ont envahi le Danemark et la Norvège le 9 avril 1940, et est placée sous commandement britannique. Les combats ont lieu autour de Namsos (détruite par les bombes allemandes) et Narvik (prise le 28 mai). En juin 1940 débute l‘évacuation des troupes allées vers l’Angleterre ; les dernières troupes françaises engagées rentrent à Brest le 15 juin 1940.

[ii] Voir Réseaux et image dans les contacts avec l’étranger : une propagande finlandaise ? 1899-1980. Par Louis Clerc , FARE, Université de Turku, Finlande. http://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2010-1-page-25.htm

[iii] Amélie Appell, la mère de Germaine,  n’a-t-elle pas été membre des instances dirigeantes  de l’association en question ?

[iv] Germaine est restée longtemps fidèle aux amitiés nouées à cette époque. Quelques vingt ans après elle a pris l’avion pour les Etats Unis afin, me disait-t-elle, de renouer avec l’infirmière recrutée par l’Association des Dames de France pour accompagner la mission médicale en Finlande : Madame Drouin de Rosières. Malheureusement elle ne put la retrouver.  (Voir Louis Clerc, Le comité français d’aide à la Finlande in Bulletin des anciens élèves de l’INALCO, Octobre 2001, Paris, pp. 15 – 30. Note JBP)

[v] Louis  Clerc, la guerre russo – finnoise, Paris, Economica, 2015 : bibliographie.  De 2003 à 2015, Louis Clerc a écrit beaucoup d’articles sur le sujet, qui apportent bien des informations précieuses ; l’essentiel du présent article lui est dû.