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germaine appell-duclaux in memoriam 3

 

In memoriam III

Germaine A. D. 1885 – 1965

La médecine

 

Hôpital de Vic sur Cère, blessés et personnel médical,

dont G. A. D.

 

L’expérience médicale de Germaine commence à l’hôpital de Vic sur Cère pendant la grande guerre[i]. Elle se poursuit, sans problème semble-t-il , par les études à la faculté de Paris, une spécialisation en radiologie (Marie Curie n’était pas loin de la famille ) des expériences hospitalières et aboutit à l’ouverture d’un cabinet spécialisé dans le VII è arrondissement de Paris, cabinet qu’elle mit rapidement en gérance pour partir en extrême orient.

Vers la fin de sa vie elle parlait peu de médecine, en tout cas pas à moi, qui n’avais rien à faire avec ce métier.  Elle n’avait pas repris le cabinet de radiologie à son retour de Chine et ne le fit pas non plus après la guerre : en 1945 elle avait 60 ans, c’est un peu tard pour reprendre une clientèle après huit ans d’absence. Elle assura des remplacements hospitaliers et utilisa ses qualités d’organisatrice dans l’administration des camps de réfugiés en France et en Allemagne ; puis quand ce ne fut plus possible la DASS (Direction des Affaires Sanitaires et Sociales) la recruta dans la protection maternelle et infantile. Ces dernières prestations étaient assumées pour des raisons purement financières, la pension fidèlement versée par son ex-mari étant insuffisante.

 

Pourtant elle avait aimé la radiologie : assez pour écrire des articles et traduire des livres [ii]; assez pour ouvrir un cabinet, assez pour continuer un travail hospitalier. L’individu rationnel qui lira ces lignes se demandera pourquoi elle a tout abandonné en 1937, pourquoi après la fin de la courte mission officielle qu’elle avait acceptée pour se changer les idées après la rupture avec son ami, elle usa de toutes les possibilités, y compris extra médicales, pour rester en Chine. Sa sœur Marguerite eut sans doute rappelé, avec l’indulgence qui la caractérisait, que Germaine avait l’esprit d’aventure et le gout du risque : vivre à Shanghai pendant la guerre sino-japonaise était de ce point de vue plus satisfaisant que gérer un cabinet médical rue de l’Université. Elle n’est rentrée en 1939 que pour retrouver sa famille avant la deuxième guerre qui s’annonçait : ça c’est la mère de famille. Ce qui ne l’empêcha pas de repartir quelques mois après pour une autre aventure, dans le grand nord européen celle-là ; ça c’est l’aventurière.

 

Je suis incapable de dire si elle était un bon médecin, je ne l’ai connue comme telle qu’à l’époque de la DASS. Elle avait alors un bon sens très terre à terre qui a dû être rassurant pour les jeunes mères de la P. M. I. ; moi, en tous cas,  il m’a rassurée lors de l’arrivée de ma première fille. Je me souviens de mon ravissement lorsque, face au bébé de quelques mois qui se trainait par terre en broutant laborieusement la laine des tapis, elle affirma à la jeune mère affolée que j’étais alors : « Laisse donc cette enfant tranquille ; il faut bien qu’elle s’habitue aux microbes ». Je revois cette scène chaque fois que je contemple les publicités hygiéniques sur l’écran de la télévision nationale et chaque fois je regrette cette époque antédiluvienne où l’on savait partager le monde avec les bactéries.

 

D’une certaine façon Germaine pouvait « s’amuser » dans sa vie autant que son mari. Ces deux-là auraient dû s’entendre assez pour rester ensemble, si l’on suit les     critères      d’aujourd’hui ! Il     n’en   fut rien.    Peut-on soupçonner que les « amusements »   de Jacques   était socialement   recommandables, hautement compatibles avec ce que

 

Olmet : Germaine A. D. écrivant sur le bureau à cylindre (photo de famille)

 

le monde bourgeois attendait d’un savant, homme et père de famille ? Ceux de Germaine, femme et mère de famille, paraissaient incongrus, sinon inadmissibles ; certains, aujourd’hui, porteraient le même jugement, le monde a moins changé qu’on ne le croit – et le dit.

 

S’il y avait une chose dont Germaine ne se souciait pas, c’est de l’opinion publique. La médecine avait été le moyen de la liberté, un métier intéressant mais pas une vocation. Il offrait des portes qu’elle franchit avec délice ; mais c’étaient les portes d’un monde connu et celles qu’elle découvrit dans le Shanghai de la fin des années 30 ouvraient sur un monde totalement différent, où l’extrême orient de Marco Polo et des jésuites était magnifié par le mélange des horreurs de la guerre moderne et de la brutalité asiatique. Comment ne pas succomber à la tentation ? Jacques disait souvent : « Hâte toi de succomber à la tentation de peur qu’elle ne s’éloigne », encore un point commun entre les deux ; mais ses tentations ne choquaient pas la morale de l’époque, tandis que celles de Germaine…

 

Alors, dans une Asie rêvée – et vécue dans toute sa plénitude matérielle – commence une toute autre période, qui fera d’elle la femme complète qu’elle a toujours voulu être.

Notes

[i] [i] Sur l’hôpital militaire de Vic sur Cère (15800) voir le site des archives départementales du Cantal : deux boites de diapositives reproduisant des plaques de verre originales d’auteur inconnu. http://archives.cantal.fr/ . Voir aussi http://hopitaumilitairesguerre1418.overblog.com/

[ii] Lajos Török, Soins de la peau et traitement des dermatoses inesthétiques, trad. Frçse Dr Marianne Gajdos-Török et Germaine Appell-Duclaux ; article dans Annales de l’Institut d’Actinologie, 1934 (non retrouvé)